M. Chrétien dévoile cette opinion peu flatteuse de Donald Trump dans un nouveau recueil d’anecdotes puisées à travers ses 10 années passées à titre de premier ministre du Canada.
Bien que le livre s’intitule « Mes histoires », l’ex-premier ministre libéral qui a quitté la politique en 2003, après avoir remporté trois mandats majoritaires, n’hésite pas à commenter des sujets d’actualité comme la présidence du riche homme d’affaires américain.
Dans la préface, Jean Chrétien explique que la dernière année passée sur l’écriture du livre l’a aidé à retrouver sa sérénité alors qu’il était « fatigué d’observer les péripéties surréalistes du président Trump et d’écouter ses absurdités ».
« C’est très triste de constater l’erreur monumentale commise par nos voisins du Sud en novembre 2016 », écrit-il dans un autre chapitre où il relate les moments heureux passés avec son épouse Aline en compagnie de l’ancien président Bill Clinton et de son épouse Hillary, qui a été battue par Donald Trump lors de la campagne présidentielle.
« Je crains que la défaite d’Hillary et l’arrivée du fanatique Trump marquent la véritable fin de l’empire américain. Vous pouvez comprendre pourquoi Aline et moi-même sommes si heureux de compter les Clinton comme amis, et presque aussi fiers d’être le plus loin possible de l’innommable Donald Trump. »
Le premier ministre Justin Trudeau, conscient du fait qu’il ne faut pas grand-chose pour mettre en rogne le bouillant président, qui ne craint pas de menacer de ruiner l’économie canadienne, a toujours été très prudent en parlant de M. Trump. Mais Jean Chrétien, aujourd’hui âgé de 84 ans et toujours actif comme avocat chez Dentons, n’a pas les mêmes contraintes.
En entrevue au sujet de son nouveau livre, l’auteur a précisé sa théorie de l’empire américain en déclin.
« Vous savez, on voit l’émergence des Chinois et le déclin de l’Amérique », a-t-il commenté à La Presse canadienne.
« Quand je voyage à travers le monde, je sens que leur influence diminue très rapidement. »
Selon M. Chrétien, l’administration protectionniste de l’Amérique d’abord de Donald Trump tente de briser la stabilité internationale « qui a permis de créer de la prospérité dans le monde depuis les années 1940 » et elle suscite de l’inquiétude chez ses alliés traditionnels alors que les États-Unis se sont retirés de l’accord de dénucléarisation avec l’Iran et d’autres pactes internationaux majeurs.
« Si vous voulez être isolé, c’est correct. Mais vous avez moins d’influence. »
La chute éventuelle des superpuissances est naturelle et inévitable, a-t-il ajouté.
« Vous savez, les empires disparaissent. Beaucoup de gens sont nostalgiques de l’empire britannique. Beaucoup de Français rêvent encore de Napoléon et il est mort depuis bien longtemps. La vie est faite comme ça. »
Jean Chrétien a également donné son avis sur la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), que Donald Trump a renommé l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC). Les 14 mois de négociations tortueuses entremêlées de menaces se sont révélés être « une grande discussion pour rien », a-t-il résumé.
« Il a changé le nom et pas grand-chose de plus », estime M. Chrétien, précisant que les trois partenaires ont « fait des ajustements, mais qu’au final, on a toujours un accord de libre-échange qui fonctionnera à peu près de la même manière qu’avant ».
Dans son livre, l’homme de Shawinigan affirme que le rassemblement des suprémacistes blancs, l’an dernier à Charlottesville, en Virginie, « a exposé le vrai visage de Donald Trump ».
Le rassemblement avait apparemment pour but de protester contre le retrait des symboles confédérés, mais les nationalistes blancs et autres extrémistes de droite, qui portaient des armes et des symboles nazis, ont scandé des slogans racistes et antisémites. De violents affrontements avec des contre-manifestants ont éclaté, causant la mort d’une femme.
Donald Trump a refusé de dénoncer clairement les suprémacistes blancs, préférant condamner la haine et le fanatisme « de tous les côtés » et affirmant qu’il y avait « de très bonnes personnes des deux côtés » des affrontements.
Tout en écrivant qu’aucun pays n’est à l’abri d’un « recul en matière de valeurs sociales » et que le Canada doit rester vigilant, M. Chrétien croit que le Canada a pu éviter le type de polarisation qui sévit aux États-Unis, car « nous avons de bien meilleures institutions ».
Il donne en exemple le processus de nomination très politisé des juges aux États-Unis, où la récente nomination de Brett Kavanaugh à la Cour suprême par M. Trump est devenue un cirque. Au Canada, le système judiciaire est demeuré en grande partie à l’abri de la politisation.
« Je n’ai jamais su si la juge en chef avait voté pour moi et je ne lui ai jamais demandé », a déclaré l’ex-PM, en référence à Beverley McLachlin, qu’il a nommée juge en chef de la Cour suprême du Canada en 2000. Elle a pris sa retraite en décembre dernier.