Ce qui a permis à ce cycle économique d’être aussi long, c’est la politique monétaire des banques centrales, indique Vincent Delisle, co-chef des placements chez Hexavest lors du déjeuner annuel de CFA Montréal Perspectives 2019.
Interrogé sur sa crainte d’une future récession, Vincent Delisle a estimé que 2019 serait caractérisée par un scénario de décélération synchronisée, mais de croissance. Selon lui, le ralentissement économique que l’on perçoit déjà dans certaines régions du monde va se généraliser. Il estime cependant qu’il faudrait davantage de signes restrictifs pour que les risques de récession augmentent. Il s’inquiéterait plus si la Banque du Canada décidait de relever deux à trois fois ses taux cette année.
« Les erreurs de politique monétaire, on ne s’en rend compte qu’a posteriori », prévient-il.
Du côté du marché des actions, Vincent Delisle estime que la partie devient plus corsée. Dans le monde, on compte plus de hausses de taux que de baisse de taux de la part des banques centrales. Cela amène plus de compétition sur les marchés boursiers et moins de liquidités. Il estime ainsi que la volatilité observée ces derniers mois devrait continuer tout au long de l’année à venir.
Stéphane Marion, économiste et stratège en chef, vice-président exécutif, Marchés financiers à la Banque Nationale du Canada, appuie les propos de Vincent Delisle : l’année 2019 sera synonyme d’un ralentissement, mais pas de récession. Selon lui, la croissance de l’économie mondiale en 2019 sera autour des 3,5 %.
S’il est vrai qu’on assiste au plus long cycle de marché haussier aux États-Unis, ça ne veut pas dire que la récession sera demain, souligne-t-il. Il y a six phases dans un cycle économique : le sommet, la récession, le creux, la reprise, l’expansion et la phase mature. L’économie américaine est entrée dans cette dernière phase à l’été passé. Cette phase est en général mature à 33 mois, la plus courte observée avait tout de même duré 19 mois, il resterait donc du temps.
Mais lui aussi estime que les banques centrales devraient être patientes, surtout considérant le fait que la courbe de rendement est particulièrement plate.
« L’aplatissement de la courbe est tel que les probabilités d’une récession dans la prochaine année, basées sur les données historiques, sont de 35 % présentement », explique Stéphane Marion.
Une guerre commerciale dangereuse, mais peu probable
Un autre point qui inquiète Stéphane Marion c’est la guerre commerciale opposant les États-Unis et la Chine.
« Pour la première fois de ma carrière, on est obligés d’imbriquer une composante géopolitique à nos décisions de répartition d’actifs. Et, en ce moment, le stress politique surpasse ce qu’on avait vu en 2008-2009 », affirme-t-il.
Il estime cependant qu’étant donné le contexte économique actuel, il est probable que la rencontre entre les États-Unis et la Chine se termine sur un accord.
« Dans un contexte de globalisation, je doute que s’il y avait une guerre commerciale, les États-Unis la gagnerait. Aux États-Unis, il y a un certain déni, mais si j’impacte le monde, j’impacte l’économie américaine », déclare Stéphane Marion.
Lorsque la bourse mondiale a subi une correction l’été passé, les Américains ont affirmé que leur économie était protégée du ralentissement touchant les pays émergents. Stéphane Marion doute que cela soit possible, surtout que plus de 40 % des ventes du S&P 500 sont réalisées à l’étranger. Selon lui, si l’économie mondiale ralentit, il est évident que tôt ou tard l’économie américaine ralentira.
D’ailleurs les marchés américains ont connu une baisse importante en décembre.
Une baisse du dollar américain
2018 a été une belle année pour les Etats-Unis, notamment grâce à la réforme fiscale de début d’année. La situation devrait toutefois se renverser dans les prochains mois, prévoit Vincent Delisle. Il estime ainsi que 2019 devrait être une année aussi décevante que 2015-2016 au niveau des profits.
Le dollar américain a commencé à se déprécier le 24 décembre dernier et Stéphane Marion estime qu’il est important que cela continue.
« Pour que l’économie 2019 soit plus porteuse, il me faut un dollar américain plus faible. Lorsque le dollar américain s’emballe, c’est beaucoup de stress pour les pays émergents », explique-t-il.
Du côté des devises, le dollar américain est l’une des raisons du renversement de tendance des marchés boursiers en 2018, affirme Vincent Delisle. La surperformance des profits américains a été visible en 2018, mais commence à s’estomper. Si la Réserve Fédérale ne fait rien, cela devrait amener de la faiblesse au dollar américain, ce qui est, selon lui, le plus souhaitable pour que les marchés rebondissent.
Garder l’œil sur les marchés émergents
La croissance progresse à son rythme le plus faible en 28 ans en Chine, voilà ce que titrait Le Devoir le 22 janvier dernier. Stéphane Marion estime que ce n’est cependant pas une raison de paniquer et que la région demeure toujours aussi intéressante.
La hausse du PIB chinois a été de 6,6 % l’année passée, selon le Bureau national des statistiques, son plus faible résultat depuis les 3,9 % de 1990. Mais l’économie chinoise est environ douze fois plus grosse qu’elle ne l’était il y a 28 ans.
« Vaut-il mieux 10 % de croissance d’une économie plus petite ou 6 % de croissance d’une économie beaucoup plus grosse, interroge Stéphane Marion. Le PIB chinois surpasse le PIB des États-Unis en termes de contribution à la croissance. 6 % c’est très bon si on parvient à les avoir! »
Il estime ainsi qu’il y a encore de belles opportunités d’investissement dans le marché asiatique.