Ce différend alimente à nouveau les craintes que la banque centrale américaine joue avec le feu en remontant le taux repère de la planète une cinquième fois dans une fourchette de 1,25-1,50%, et en prédisant trois autres hausses l’an prochain.
À sa dernière conférence de presse, la présidente Janet Yellen a aussi confirmé que la Fed doublerait de 10 à 20 milliards de dollars par mois la réduction de son bilan.
Bien que les stratèges restent majoritairement optimistes, trois haussant même leur cible à 3000 pour le S&P 500 l’an prochain (J.P. Morgan, Evercore ISI et Oppenheimer), plusieurs prédisent un sommet en cours d’année suivi d’une chute, d’autres un solide ressac et d’autres encore une saine correction, justement provoqué par l’effet de dévaluation des actifs financiers de la hausse des taux.
Après tout, le Dow Jones a enfilé un record de record cette année, avec 69 marques historiques à la clotûre d’une séance en 2017, du jamais vu …. depuis les 69 records de 1995, lors du dernier long marché haussier, indique Bespoke Investment Group.
En moyenne, la cible des stratèges s’établit à 2850 pour le S&P 500, soit un gain potentiel d’encore 7,5%, selon Birinyi Associates.
L’économiste Ed Yardeni croit à une une flambée de 17% jusqu’à 3100. À l’autre bout du spectre, Tobias Levkovich de Citigroup, entrevoit un marché stable puisque le vote sur la réforme des impôts a tiré vers l’avant les gains attendus pour 2018.
Un cycle comme les autres, mais étiré pour les taux aussi
S’il est possible que l’effet de la baisse des impôts déçoive l’optimisme des investisseurs l’an prochain, il est encore un peu trop tôt pour craindre la Fed.
Contrairement à la croyance populaire, le cycle actuel de resserrement monétaire est remarquablement normal, indique Vincent Delisle, stratège chez Banque Scotia.
Seule sa durée, comme la détente monétaire entre 2008 et 2015 d’ailleurs, risque de s’étirer aussi.
En moyenne, les cycles de resserrement monétaire s’étendent sur 26 mois, nous apprend M. Delisle. On a déjà franchi la marque de 24 mois.
La Fed a relevé son taux directeur à cinq reprises, pour un total de 125 points de base, depuis décembre 2015 (soit une hausse en 2015, une autre en 2016 et trois en 2017).
Les marchés ont aussi déjoué ceux qui avaient prédit une hausse du dollar américain, un recul de l’or et une mauvaise performance des marchés émergents.
Depuis la première hausse de taux, le billet vert a fléchi de 4%, l’or a grimpé de 17% et les marchés émergents ont explosé de 43 à 45%, énumère M. Delisle.
La Bourse canadienne, les marchés de l’Amérique latine (le Brésil et le Chili surtout) ainsi que les titres cycliques (le transport et la finance) ont aussi mieux fait que les services aux collectivités.
Les cours des matières sont également plus élevés qu’avant la première hausse de taux, même si leurs gains en 2017 déçoivent.
Ces constats rappellent que le cycle économique fondamental n’est pas disparu en dépit de l’ampleur de la crise de 2008 et les nombreux faux-départs et sautes d’humeur depuis.
L’écart entre les taux à court et à long terme se rétrécit. Plusieurs y voient un signe avant-coureur d’une récession prochaine, mais une courbe des taux plus plate est tout aussi typique dans la phase de mûrissement actuel du cycle économique.
Toute cette démonstration pour dire que les marchés se comportent dans l’ensemble comme il se doit lorsque la Fed relève ses taux: les actions continuent de s’apprécier et les titres cycliques performent le mieux.
Si le taux directeur de la Fed termine l’année 2018 à 2% (pour un cumul de 175 points de base en 36 mois), «on peut dire que nous sommes déjà dans la deuxième moitié du resserrement monétaire», écrit le stratège.
« Il faut aussi réaliser que la deuxième portion du cycle haussier est moins payante que la première et plus volatile. »
Si l’on se fie à la moyenne des cycles passés, la performance du S&P/TSX par exemple ralentit de 13 à 4%, tandis que celle du S&P 500 passe aussi de 11 à 4%, entre la première et la deuxième moitié du resserrement monétaire.
«Le principal fil conducteur de nos perspectives pour 2018 est d’adapter le portefeuille à l’avancement du cycle économique et à la normalisation cohérente des taux par la Fed», évoque M. Delisle.
Le stratège préfère les actions en portefeuille jusqu’à ce que la Fed approche de la fin de son resserrement monétaire. Il privilégie aussi les secteurs de la finance, industriel et des ressources.