Les entreprises ont modifié de façon importante leur utilisation du crédit au premier trimestre de 2023, révèlent de nouvelles données publiées mardi par Equifax Canada.
Selon l’agence de notation du crédit, les derniers chiffres mettent en évidence un stress financier croissant dans les secteurs des opérations financières et non financières, et jettent un doute sur la stabilité de l’économie canadienne.
Le solde impayé total des entreprises sur les prêts à tempérament émis par les banques avait diminué de 2,4 % par rapport au premier trimestre de l’année dernière, pour s’établir à 12,9 milliards de dollars (G$), a précisé Equifax.
Cependant, les soldes des cartes de crédit ont augmenté de 15 % et les marges de crédit ont augmenté de 11 %.
Jeff Brown, responsable des solutions commerciales chez Equifax Canada, a déclaré que le changement dans l’utilisation du crédit par les entreprises est alarmant.
Le chef des solutions commerciales chez Equifax Canada, Jeff Brown, a estimé que le changement dans l’utilisation du crédit par les entreprises était alarmant.
« Ce n’est pas quelque chose que nous avons vu ces dernières années, a-t-il affirmé. C’est un peu comme un indicateur précoce d’alerte. »
Les prêts à tempérament sont généralement utilisés pour la croissance et l’expansion, a expliqué Jeff Brown.
« Il faut dépenser de l’argent pour gagner de l’argent lorsqu’on est une petite entreprise, a-t-il souligné. Lorsqu’on voit un trou dans ce processus, on constate une croissance des dépenses par carte de crédit, et c’est généralement un signe d’instabilité financière. »
Equifax a affirmé que les hausses de taux de la Banque du Canada pourraient avoir contribué à cette tendance, en convainquant les entreprises à se tourner vers des produits de crédit qui n’enferment pas les propriétaires dans des périodes de remboursement fixes et offrent une plus grande flexibilité au chapitre des taux d’intérêt.
Alors que de nombreuses entreprises ont déjà contracté des dettes supplémentaires pendant la pandémie, notamment en ayant recours à des programmes de prêts gouvernementaux, l’accumulation de dettes de cartes de crédit pourrait mettre les entreprises dans un trou dont il sera difficile de se sortir d’elles-mêmes, a estimé Jeff Brown.
Les conditions générales pour les entreprises se durcissent, a affirmé Pedro Antunes, économiste en chef du Conference Board du Canada.
Les entreprises qui s’appuient sur des produits de crédit à court terme ne sont « pas un bon signe », a-t-il prévenu.
Les niveaux de faillite ne sont pas un désastre à ce stade et ils ont maintenant renoué avec les niveaux prépandémiques, mais la tendance à la hausse donne néanmoins une idée des défis auxquels les entreprises sont confrontées avec le ralentissement économique, a affirmé Pedro Antunes.
Une habitude dangereuse
La baisse des prêts à tempérament et le passage à l’utilisation des cartes de crédit pourraient entraver le potentiel de croissance des entreprises et leur capacité à faire des investissements plus importants, a fait valoir Equifax.
C’est le premier trimestre que nous voyons ce changement, a souligné Jeff Brown, notant que les entreprises sont peut-être simplement en train d’expérimenter en espérant que les taux d’intérêt se normalisent. Les banques sont probablement un peu plus strictes en matière de prêts depuis la crise bancaire américaine, a-t-il noté.
Mais avec le temps, l’utilisation des cartes de crédit pourrait devenir une habitude dangereuse, et une baisse des dépenses des petites entreprises pourrait avoir des retombées, a-t-il prévenu.
« Toutes ces dettes commencent à s’accumuler, nous avons donc vu les impayés remonter à des niveaux proches de ceux d’avant la pandémie, a noté Jeff Brown. Nous ne voulons tout simplement pas voir cette tendance se poursuivre. »
Le consommateur a fait preuve de résilience, alors que les ménages ont dépensé les économies qu’ils avaient accumulées pendant la pandémie, mais Pedro Antunes s’attend à ce que les dépenses ralentissent à l’avenir, ce qui pèsera sur les entreprises.
« Beaucoup de ces excédents que détiennent les ménages sont, je crois, réduits par l’inflation et par les taux d’intérêt », a-t-il estimé.
L’indice de confiance du Conference Board montre que les entreprises ne se sentent pas optimistes, a poursuivi Pedro Antunes, et qu’elles sont susceptibles de retenir leurs dépenses ou leurs investissements.
Equifax a indiqué que les secteurs industriels et financiers en particulier montraient des signes de stress financier, ce qui pourrait avoir des effets d’entraînement sur l’économie globale.
Le premier trimestre a également vu un ralentissement des ouvertures de nouvelles entreprises, une tendance qu’Equifax qualifie de préoccupante. Les mois de janvier, février et mars ont montré une augmentation constante, sur une base mensuelle, de l’ouverture de nouvelles entreprises ces deux dernières années, a indiqué l’agence, mais une baisse notable a eu lieu en 2023.
À la fin février, les démarrages de nouvelles entreprises avaient diminué d’une année à l’autre de 16,5 % en Ontario, de 14,2 % en Colombie-Britannique, de 11,4 % en Alberta et de 7,5 % au Québec.
Jeff Brown a indiqué que cette tendance devrait se poursuivre tout au long de l’été, alors que les conditions économiques s’affaiblissent dans un contexte de taux d’intérêt plus élevés.
« Il pourrait y avoir tout un arriéré d’entrepreneurs en herbe qui veulent démarrer leur entreprise, mais qui savent que ce n’est tout simplement pas le bon moment, a-t-il affirmé. Le coût d’emprunt de l’argent est trop cher. »