Les changements envisagés par les régulateurs relativement aux modes de rémunération des conseillers, notamment en ce qui a trait à une éventuelle abolition des commissions de suivi, équivaudraient à interdire aux Canadiens disposant de revenus faibles ou moyens de demander des conseils financiers à des professionnels, écrit Pierre Lortie.
Lors du 10e Colloque de conformité annuel du Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ), la présidente et chef de la direction de la Chambre de la sécurité financière (CSF), Marie Elaine Farley, soulignait que la Chambre avait fait le même constat. « En plus d’être important pour l’investisseur, l’apport du conseiller lui procure des bénéfices tangibles. »
En 2013 la CSF avait d’ailleurs fait part de sa position dans un mémoire aux ACVM sur la question de la rémunération en matière de distribution de titres d’OPC et citait notamment les règles visant l’abolition des commissions de suivi comme étant des règles susceptibles d’avoir pour effet de limiter l’accès des Canadiens aux services de conseillers financiers.
Situation néfaste pour les futurs retraités
Cette situation serait néfaste pour les futurs retraités, compte tenu notamment de la diminution de la part d’employés canadiens couverts par un régime de retraite à prestations déterminées. Selon Pierre Lortie, « entre un quart et un tiers des ménages, tous revenus confondus, ne bénéficieront pas d’un régime à prestations déterminées une fois à la retraite ». Cette situation est non seulement périlleuse pour ces futurs retraités, mais également « pour l’économie canadienne ».
Dans ce contexte, le rôle des conseillers est crucial pour aider les gens à se préparer pour la retraite, d’autant plus que la connaissance en matière de produits financiers s’avère limitée pour la moyenne des gens, souligne Pierre Lortie.
Les recherches indiquent que les ménages canadiens ayant recours à un conseiller afin de planifier financièrement leur retraite, accumulent 1,58 fois plus richesse après quatre à six ans, que les ménages n’y ayant pas recours, signale Pierre Lortie. Après 15 ans, accumulation supplémentaire est de 2,73 fois plus élevée. « Cette situation a un effet certain sur la société, puisque les retraités qui possèdent une plus grande richesse jouissent d’une meilleure qualité de vie, ont moins recours aux mesures gouvernementales destinées aux aînés, et contribuent davantage à l’économie ».
D’autres études démontrent que la littératie financière peut bonifier certaines décisions d’épargne et d’investissement, mais sans l’aide de conseils professionnels, il existe peu de preuves qu’une amélioration des compétences et des connaissances financières mènera systématiquement les épargnants à prendre de meilleures décisions financières et leur permettra d’accumuler plus de richesses à la retraite.
« Le rôle fondamental de la fonction d’intermédiation financière consiste à faciliter la constitution d’économies et la promotion de la saine gestion des actifs financiers. Les investisseurs recherchent des conseillers fiables, qualifiés et expérimentés, et s’attendent d’eux qu’ils offrent beaucoup plus que ce que les normes et standards de l’industrie les obligent à pourvoir comme service », indique Pierre Lortie.
S’appuyant sur l’expérience d’autres pays, il évoque le fait que la transparence des frais de distribution et de l’investissement, comme le fera la mise en œuvre du Modèle de relation client-conseiller – Phase 2 (ou MRCC2), constitue un élément intervenant dans la sélection d’un conseiller de la part d’un investisseur.
La réglementation devrait encourager les choix. Les investisseurs canadiens devraient avoir accès à un large éventail de produits concurrents et d’intermédiaires financiers, de même qu’une pluralité de modes de rémunération, incluant à la fois un modèle de rémunération basé sur les commissions et un autre sur honoraires.
Dans son article, Pierre Lortie suggère que la manière dont le marché canadien était jusqu’ici structuré en matière d’accès aux services financiers a produit des résultats bénéfiques pour les ménages s’étant prévalus de ces services, de même que pour l’ensemble de l’économie. Toutefois, les pays ayant limité les modes de rémunération, ont vu s’atténuer « le recours au conseil pour certaines classes d’investisseurs, de même qu’une augmentation du coût total des services pour une grande partie des clients de détail. »
« Un grand nombre de personnes à revenu intermédiaire ayant besoin de conseils, mais ne possédant pas suffisamment d’actifs financiers pour rendre la prestation de conseils financiers réglementés économiquement attrayants pour les conseillers, se sont effectivement vu refuser l’accès à des conseils financiers », selon Pierre Lortie.
Cette situation « a conduit ces investisseurs à s’engager dans des transactions financières dénuées des garanties réglementaires que permettrait un accès aux services d’un conseiller soumis à un encadrement réglementaire. »