Il est de notoriété publique qu’il existe un mur de Chine entre la banque centrale et le gouvernement canadien. La BdC est entièrement libre d’appliquer la politique qu’elle désire, sans influence du gouvernement. Le prochain budget, qui vient d’être reporté au mois d’avril, pourra difficilement être expansionniste compte tenu de la ferme volonté, encore exprimée hier à Davos par le ministre des Finances Joe Oliver, de présenter un budget équilibré. Dans ce contexte, la baisse de taux annoncée cette semaine par la BdC arrive à point. Y a-t-il eu coordination entre les deux, peut-on se demander ?
«Il ne faut pas le croire», assure Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint à la Banque Laurentienne. Une fois la surprise passée, on peut très bien comprendre les raisons qui ont motivé la BdC, selon lui.
«À peu près partout dans le monde, principalement où le prix du pétrole a un effet négatif sur l’économie comme, entre autres, en Norvège, on baisse les taux», dit-il.
«L’approche de la BdC en est une de gestion de risques», poursuit-il. Elle s’attaque dès maintenant au ralentissement économique qui semble inévitable à cause de la baisse du prix du pétrole. «Contrairement à l’attitude de la Banque centrale européenne (BCE) qui a mis deux ans à réagir, ls BdC préfère en faire trop que pas assez», dit-il.
Les banques centrales aiment bien généralement télégraphier les actions qu’elles vont prendre afin de permettre aux différents agents financiers de s’ajuster. Ce ne fut certainement pas le cas cette fois-ci. C’est qu’elle n’a pas eu vraiment le temps de le faire, croit l’économiste de la Laurentienne. «La chute du prix du pétrole a été si rapide et constitue un tel choc pour l’économie qu’il était plus important d’agir vite que de télégraphier», dit-il.
Il n’y a pas eu de coordination de politiques économiques entre la BdC et le gouvernement, croit également François Dupuis, économiste en chef chez Desjardins. «La BdC a un penchant à contrebalancer», dit-il. Elle va hausser les taux pour éviter une surchauffe, mais elle va les baisser pour éviter un ralentissement.
«La BdC qui enquête continuellement auprès de tous les agents économiques, a probablement réalisé que la chute du prix du pétrole en-deçà du seuil de rentabilité de l’industrie pétrolière de l’Alberta nécessitait une action drastique», dit-il. «C’est probablement plus qu’une simple police d’assurance. C’est un scénario alternatif», dit-il. Cela ouvre probablement la porte à une autre baisse de taux à sa prochaine rencontre le 4 mars.
Et elle le fera sans consulter le gouvernement, faut-il croire.