Des frontières qui sont de retour, limitant la libre circulation des personnes. Des pays comme la Hongrie qui ne respectent même plus les quotas de relocalisation des réfugiés. Un gouvernement autrichien qui convoque un sommet informel pour fermer la route des Balkans aux réfugiés, et ce, sans aviser Bruxelles ou l’Allemagne.
L’Europe perd le nord, la vision commune s’estompe.
À propos de la crise des réfugiés, Le Monde y est allé de ce commentaire incisif. «Sauf sursaut d’ici à un prochain « sommet » européen en avril, les historiens dateront certainement de cette affaire, de ces années 2015-2016, le début de la décomposition de l’Europe. Ils diront que ce fut un beau projet commencé au milieu des années 1950 et qui s’achève avant le premier quart du XXIe siècle.»
Et la crise des réfugiés n’est pas la seule crise qui menace le vieux continent d’un recul majeur de l’intégration européenne, note la New York Review of Books.
L’Union européenne craque de tous les côtés
Le Royaume-Uni pourrait quitter l’Union européenne à la suite d’un référendum qui se tiendra en juin.
La Russie menace d’intervenir dans les pays d’Europe orientale de l’UE qui abritent d’importantes minorités russophones, au premier chef dans les trois pays baltes.
La Grèce est toujours au bord du gouffre en raison de son endettement élevé et des milliers réfugiés qui arrivent chaque jour sur son sol.
La montée en puissance des partis populistes xénophobes, anti-mondialisation et «eurospectiques» en Europe exerce une pression sur les gouvernements.
L’Europe centrale postcommuniste semble vouloir tourner le dos au modèle démocratique libéral occidental, avec des pays comme la Hongrie et la Pologne qui inquiètent en raison de leurs dérives autoritaires.
Toutes ces crises risquent d’avoir un impact sur les investisseurs.
Rien de majeur à court terme, mais plutôt des changements subtils à long terme: un écosystème moins prévisible, moins libéral, et moins ouvert sur le monde.
Pour comprendre ce qui se passe, un retour en arrière s’impose.
L’origine de la construction européenne
La construction européenne ne date pas d’hier.
En 1929, Aristide Briand, un homme politique et diplomate français, propose déjà un projet pour les États-Unis d’Europe. Ce projet prévoyait un lien fédéral entre les peuples d’Europe et une coopération économique.
Il faut cependant attendre la fin de la Deuxième Guerre mondiale – alors que l’Europe est en ruine – pour que ce projet de construction européenne prenne vraiment son envol.
L’objectif ultime? Éviter à tout prix que les Européens s’entretuent à nouveau, et ce, en intégrant leur économie.
C’est dans ce contexte que sont créées la Communauté du charbon, en 1951, et la Communauté économique européenne (ou marché commun), en 1957.
Ce processus atteint un autre niveau avec le traité de Maastricht, en 1992. Ce dernier instaure l’Union européenne et définit le calendrier de l’union monétaire unique, l’euro, que 19 États ont adopté à ce jour.
Ainsi, depuis les années 1950, la construction européenne a fait en sorte d’intégrer de plus en plus économiquement, financièrement et politiquement les pays d’Europe.
Aujourd’hui, l’Union compte 28 pays et abrite 508 millions d’habitants, en plus d’être la plus grande économie de la planète, devant les États-Unis.
Les Européens croient-ils encore en l’Europe?
C’est ce projet qui est aujourd’hui menacé par les souverainismes et les nationalismes qui s’expriment en Europe, sans parler de la montée de l’euroscepticisme, c’est-à-dire l’opposition à l’intégration européenne et à l’Union européenne dans son ensemble.
Une renaissance de «l’esprit européen» est du reste possible.
Mais pour l’heure, le projet a du plomb dans l’aile.
Il a été incapable de se renouveler, créant une cassure entre les élites et les populations. Et l’absence de leaders politiques européens d’envergure n’a rien pour le porter plus loin.