La Banque du Canada annonce une première réduction de son taux d’intérêt directeur en plus de quatre ans, alors qu’elle l’abaisse d’un quart de point de pourcentage pour le faire passer à 4,75 %.
« Le Conseil de direction a convenu que la politique monétaire n’avait plus besoin d’être aussi restrictive », a affirmé le gouverneur de la banque centrale, Tiff Macklem lors de la conférence de presse suivant l’annonce de la Banque du Canada.
« Nous avons fait beaucoup de progrès dans notre lutte contre l’inflation. Et notre confiance que l’inflation va continuer à se rapprocher de la cible de 2 % s’est renforcée ces derniers mois. Nous avons réalisé des progrès considérables pour rétablir la stabilité des prix, ce qui est une bonne nouvelle pour la population canadienne », a souligné Tiff Macklem.
Une diminution attendue
Les économistes s’attendaient majoritairement à cette diminution du taux directeur, en raison du ralentissement notable de l’inflation et de la faiblesse économique.
« Ce sont de bonnes nouvelles pour les personnes qui doivent renouveler leur hypothèque cette année, mais également pour celles qui ont une hypothèque à taux variable. Et plus largement, cette baisse de taux a un impact sur les marges de crédit ainsi que sur d’autres produits de crédit. Sans aucun doute, c’est une petite bouffée d’air frais pour les consommateurs », commente Alexandre Bélanger, directeur de district, spécialistes hypothécaires mobiles à la TD.
Nombre d’entre eux s’inquiétaient de la possibilité que la Banque du Canada décide d’attendre encore avant de procéder à cette baisse que certains jugent tardive.
« Depuis le début de 2024, les données économiques ont clairement montré que l’économie canadienne ne peut pas soutenir des taux d’intérêt à 5 %. Le marché de l’emploi s’est détérioré au cours des huit derniers mois — à l’exception notable du mois dernier — et l’inflation a diminué très rapidement. Bien que le marché immobilier se soit redressé ces derniers mois, nous ne constatons pas l’embrasement généralisé dans l’immobilier que nous avons vu au printemps 2023, lorsque la majorité des Canadiens croyaient que les taux avaient atteint leur sommet à 4,5 %. Le récent budget fédéral, bien que loin d’être grippe-sou, ne contenait pas de mesures de relance à court terme pour stimuler l’économie canadienne. Le Canada flirte dangereusement avec une récession. À ce stade, la seule chose qui peut relancer l’économie canadienne est une série de baisses de taux, pour atteindre 3,25 % à la fin de 2025 », souligne ainsi Jules Boudreau, économiste principal, équipe des stratégies multi-actifs chez Placement Mackenzie.
Depuis juillet 2023, le taux d’intérêt directeur de la Banque du Canada se situait à 5,00 %, soit son niveau le plus élevé depuis 2001.
Après avoir atteint un creux de 0,25 % pendant la pandémie, il a augmenté rapidement entre le printemps 2022 et l’été 2023.
D’autres baisses à prévoir
Malgré cette menace de récession, la Banque du Canada reste prudente dans ses baisses et y va graduellement. Elle annonce toutefois que d’autres baisses devraient survenir au cours de l’année.
« Si l’inflation continue à ralentir et que les données continuent à renforcer notre confiance qu’elle se dirige bien vers la cible de 2 %, il est raisonnable de s’attendre à d’autres baisses du taux directeur. Mais nous prenons nos décisions de taux une à la fois », a déjà annoncé le gouverneur de la banque centrale.
« Les responsables de la Banque du Canada savent que leurs baisses de taux doivent être lentes et ordonnées pour éviter d’allumer des flammes spéculatives sur le marché immobilier. Ils veulent également éviter le genre de politique “stop-and-go” qui a érodé la crédibilité de la Banque du Canada aux yeux de certains Canadiens et Canadiennes en 2023. De plus, la Banque du Canada ne bénéficiera pas de la compagnie de la Réserve fédérale américaine (Fed) pour réduire les taux cette année. C’est un énorme renversement par rapport au début de l’année, quand les marchés s’attendaient à deux fois plus de baisses de la Fed que de la part de la Banque du Canada en 2024 », souligne Jules Boudreau.
En procédant dès maintenant à une première baisse de son taux directeur, la Banque du Canada devance en effet certains de ses pairs, dont la Fed.
« Candidement, nous nous attendions à ce que la Banque attende à juillet pour faire une première baisse de taux. La décision de juillet sera accompagnée de la publication d’un rapport de politique monétaire et de ses sondages sur les entreprises. Ça lui aurait permis d’étoffer son cas. Mais nous nous attendions à trois baisses totales en 2024, ce que nous voyons toujours comme le scénario le plus probable. Une autre baisse en juillet est loin d’être impossible. Les propos du gouverneur Tiff Macklem n’ont rien fait pour changer notre conviction que les taux sont trop élevés et diminueront progressivement jusqu’à la fin de 2025 », conclut Jules Boudreau.
Avec la collaboration de La Presse Canadienne.