Le risque d’une longue guerre commerciale avec les États-Unis et l’incertitude qu’elle entraîne, même si la menace ne se concrétise pas, ont pesé lourdement sur le conseil de direction de la Banque du Canada (BdC) lorsqu’il a décidé de réduire les taux d’intérêt le mois dernier.
La banque centrale a publié mercredi un résumé de ses délibérations. Le document offre un aperçu des discussions du conseil avant la baisse des taux du 29 janvier, lorsqu’elle a réduit son taux directeur d’un quart de point de pourcentage à 3 %, sa sixième baisse consécutive.
Il montre que le conseil de direction a longuement discuté de l’impact d’une incertitude commerciale prolongée, étant donné que les données d’enquête publiées le mois dernier ont montré que certaines entreprises envisageaient déjà de transférer leurs investissements aux États-Unis.
« Les membres se sont également accordés sur le fait que la menace tarifaire avait accru l’incertitude, ce qui pèserait sur la confiance et les intentions d’investissement des entreprises ainsi que sur la confiance des consommateurs », peut-on lire dans le résumé.
« Cette situation était aussi une raison d’abaisser le taux directeur. »
Le président américain Donald Trump a déjà envisagé d’imposer des droits de douane de 25 % sur les importations canadiennes avant même d’entrer en fonction. Il avait d’abord annoncé qu’il le ferait dès son premier jour de mandat, puis avait ensuite reporté la date limite au début de février.
Les droits de douane ont finalement été suspendus pendant 30 jours après que le Canada a conclu un accord pour apaiser les inquiétudes américaines concernant le fentanyl — bien que moins de 1 % de tout le fentanyl entrant aux États-Unis provienne du Canada —, notamment en nommant un « tsar du fentanyl » et en classant les cartels de drogue comme entités terroristes, entre autres dispositions.
Communication et transparence
Mais l’impact de ces incertitudes prolongées sur l’économie canadienne et les différents scénarios que présenteraient les droits de douane et toute mesure de rétorsion ont fait que la Banque du Canada n’était pas à l’aise de fournir des informations sur ses plans de taux d’intérêt à l’avenir.
« Les membres ont convenu qu’il serait important de tenir la population canadienne au courant, à mesure que la situation évolue, de leurs analyses et évaluations concernant l’incidence d’un conflit commercial sur l’économie et l’inflation », indique le résumé, ce qui signifie que la banque fournira des mises à jour si son analyse des développements de la guerre commerciale modifie sensiblement ses perspectives.
La discussion sur la façon de tenir les Canadiens informés intervient après que la banque centrale a publié un examen le mois dernier sur sa performance pendant la pandémie, soulignant qu’elle pourrait mieux communiquer la manière dont elle prévoit gérer les chocs économiques à grande échelle.
Un groupe d’experts qui a effectué une évaluation externe du rapport de la banque a convenu de la nécessité pour la Banque du Canada d’améliorer la communication et la transparence, notamment en ce qui concerne l’utilisation d’outils non conventionnels.
« Dans l’ensemble, la Banque dispose d’un certain nombre de moyens pour continuer à explorer et à peaufiner des méthodes accessibles pour communiquer ses décisions de politique monétaire », indique l’évaluation externe de l’examen.
Les développements qui se déroulent rapidement rendent « impossible de prédire ce qui se passerait avec la politique commerciale des États-Unis », ont reconnu les membres du conseil alors qu’ils évaluaient les effets qu’une guerre commerciale aurait sur l’économie canadienne.
Inflation et emploi
En plus de la baisse du produit intérieur brut (PIB), la réponse du Canada aux tarifs douaniers exercerait une pression à la hausse sur l’inflation.
Le conseil a convenu que la politique monétaire devait contrebalancer la pression à la baisse sur l’inflation due à la faiblesse de l’économie, avec la pression à la hausse de l’inflation due à une guerre commerciale.
« Les membres ont convenu que la politique monétaire ne pouvait pas compenser l’ajustement économique à long terme qu’entraîneraient des droits de douane permanents. Et à court terme, la politique monétaire ne peut pas contrer à la fois une baisse de croissance et une hausse de l’inflation », peut-on lire dans le résumé.
« Mais les mesures de politique monétaire mises en place ont permis de revenir à une basse inflation et de réduire substantiellement les taux d’intérêt, et nous sommes ainsi en meilleure posture pour faciliter l’ajustement de l’économie à un choc tarifaire. »
Les membres du conseil ont été encouragés par les indicateurs récents qui ont montré que l’économie reprenait de la vigueur et que l’inflation se maintenait à son objectif de 2 %.
Pourtant, d’autres indicateurs ont encore montré un ralentissement du marché du travail. Malgré la création de 91 000 emplois en décembre, le taux de chômage était alors de 6,7 %, et les nouveaux entrants sur le marché, à savoir les jeunes travailleurs et les nouveaux arrivants, avaient du mal à trouver un emploi.
« Les membres ont convenu que cette tendance devait se maintenir sur une plus longue période avant qu’ils aient la conviction que le marché du travail se renforçait », indique le résumé.
En décidant de réduire le taux d’intérêt, le conseil a convenu qu’une baisse d’un quart de point de pourcentage « contribuerait à favoriser la croissance et à équilibrer les risques entourant l’inflation ».