La statistique est probante : en l’an 2000, la facture d’essence mondiale était de 800 G$ par année. Aujourd’hui, elle avoisine les 3 000 G$, calcule Jeff Rubin, qui était de passage à Fintech Montréal jeudi pour livrer les conclusions de son deuxième essai The End of Growth (La Fin de la croissance).
Jeff Rubin a quitté la CIBC en 2009 après qu’on lui eût refusé la permission d’écrire son premier best-seller, Why Your World Is About to Get a Whole Lot Smaller: Oil and the End of Globalization.
Dans ses deux bouquins, il analyse les mutations profondes que subiront les économies du monde dont la croissance a été portée, pour l’essentiel, par le pétrole à rabais.
Qu’on en juge : « en moyenne, dans les quatre dernières décennies, une augmentation de 1 % de la consommation de pétrole a engendré une croissance de 2 % du PIB mondial », écrit Jeff Rubin dans son dernier essai.
Lors du premier choc pétrolier, en 1973, l’OPEP a fermé les vannes et retranché 8 % de l’inventaire mondial d’or noir. L’année suivante, le PIB réel américain a chuté de 2,5 %.
En ces temps de morosité économique, alors que les politiques de stimulation de la croissance économique ne fonctionnent pas, soutient Jeff Rubin, selon qui « un baril de pétrole dans les trois chiffres affecte la croissance économique de façon importante ».
On a tendance à sous-estimer l’importance du pétrole dans l’économie mondiale, plaide l’économiste. « Alors que les pays sont pris à la gorge par de hauts niveaux d’endettement qui leur coûtent très cher », l’augmentation des coûts énergétiques peut avoir des conséquences catastrophiques.
« Un tiers de la consommation de pétrole est consacrée au transport », explique Jeff Rubin.
Un baril passant de 20 $ à 100 $ est certain d’influencer le prix des marchandises, des transports, d’avoir des impacts sur la balance commerciale des pays et sur la consommation domestique.
Jeff Rubin cite des analyses de l’Agence internationale de l’énergie qui sonnent l’alarme: « les ménages dépensent autant en énergie que lors des chocs pétroliers passés ». Et il n’y a pas de choc pétrolier présentement.
« En 1973, le président Nixon, pour mitiger l’impact de la hausse du prix de l’essence, a imposé la limite de vitesse de 90 km/h (55 miles à l’heure) pour réduire la consommation d’essence », relate Jeff Rubin, selon qui une hausse des prix du pétrole est l’équivalent d’imposer une limite de vitesse à l’économie.
L’impact du baril tarifé dans les trois chiffres est profond: « Toute la délocalisation perd de son attrait économique. Si l’avantage d’importer une tonne de fer de Chine est réduit à néant pas la hausse des prix à la pompe, elle ne serait pas étonnant qu’on rapatrie des emplois manufacturiers. »
La même chose vaut pour l’agriculture, un secteur de haute consommation énergétique. « Importer des ailes de poulet congelées deivent un non sens économique. » Tout comme les exportations canadiennes de blé, ou de porc.
« L’étalement urbain était fonction des bas prix de l’essence, on verra une densification des villes. » Et peut-être même un retour de l’agriculture dans les banlieues, postule Jeff Rubin, ajoutant qu’en Amérique du moins, il faut apprendre à ne plus définir le bonheur par la consommation d’énergie par tête de pipe.
Ses critiques font souvent valoir que Jeff Rubin omet d’accorder de l’importance aux autres sources d’énergie ou à l’importance de la technologie. « Le fait est que le pétrole est magique: nous n’avons pas encore trouvé une substance qui contient autant d’énergie facile à utiliser et à conserver, à si peu de frais. »
Enfin, l’économiste se réjouit de ce que la hausse des prix du pétrole aura l’avantage de réduire les émissions de CO2, récemment documentées comme ayant atteint le seuil critique pour le ciimat planétaire de 400 parties par million.