Rencontré en marge de l’événement Dix ans plus tard: l’évolution de l’industrie de la gestion d’actifs depuis la crise financière, organisé par CFA Montréal, Paul Smith commentait un sondage publié quelques jours plus tôt par l’organisation montréalaise.
Selon le sondage réalisé auprès des membres de CFA Montréal, 48 % s’attendent à une nouvelle crise financière d’ici 2021. Paul Smith a rappelé que la nature cyclique de l’être humain favorisait la résurgence des crises financières après une certaine période de temps.
« Les gens entrent dans la profession (de CFA), y travaillent dix à 15 ans, puis prennent leur retraite et amènent leur expérience avec eux. Leurs connaissances sont ainsi oubliées, ce qui permet qu’une nouvelle crise se produise. C’est la nature de l’être humain puisque la connaissance et l’expérience ne peuvent jamais être parfaitement transmises à la prochaine génération », a-t-il expliqué à Finance et Investissement.
Il souligne toutefois que la réglementation et l’attention qu’on porte à la gestion du risque est supérieure à ce qu’elle était avant la crise de 2008: « N’importe quelle personne qui travaille dans une banque vous le dira : le processus d’approbation pour les nouveaux produits est plus compliqué, toutes les procédures autour de la convenance des produits et de la connaissance du clients sont aussi beaucoup plus importantes qu’il y a dix ans. »
D’ailleurs, les clients font plus confiance à l’industrie financière que dans le passé. Selon des recherches menées par l’Institut CFA, le taux de confiance des investisseurs canadiens envers l’industrie est passé de 45 % en 2016 à 51 %. Dans des pays comme l’Inde et l’Allemagne il a plutôt diminué et est passé de 81 % à 71 % et de 28 % à 24 % respectivement.
Prévenir la prochaine crise
L’Institut CFA tente d’ailleurs de faire sa part en faisant la promotion de la diversité au sein de son organisation. Selon Paul Smith, il est notamment important de s’assurer d’une mixité des genres au sein de la profession afin d’éviter de répéter les erreurs du passé.
« Toute la recherche le dit : les équipes mixtes prennent de meilleures décisions d’investissement que les équipes formées de membres d’un seul sexe, rappelle-t-il. Par contre, lorsqu’on regarde les jeunes qui entrent dans la profession, on voit encore surtout des hommes blancs appartenant à la classe moyenne et issus des mêmes grandes universités. Depuis la crise, les lois ont changées, mais si le matériel de base est toujours le même est-ce qu’on peut s’attendre à ce que le résultat soit différent? On est en droit de se poser la question. C’est une priorité de notre organisation : changer les ingrédients pour s’assurer d’un résultat différent.»
Un des rôles de l’Institut CFA est également de promouvoir une saine réglementation du secteur financier. Que ce soit en maintenant des hauts standards de qualité dans la formation des CFA, en éduquant les investisseurs ou en se positionnant publiquement sur des politiques publiques d’encadrement de la finance, l’Institut CFA tente de prévenir la prochaine crise.
« La réglementation actuelle (aux États-Unis) ne doit pas être complètement effacée puisqu’elle a été créée pour protéger les investisseurs des pires excès de Wall Street, soutient Paul Smith. Elle peut certainement être amendée ou réformée, mais les principes de base devraient demeurer. Le lobby des grandes entreprises à Washington est très fort et c’est très difficile de créer une nouvelle législation. Il faut donc conserver les règles actuelles, quitte à les amender. De tous les rôles de l’Institut CFA, prendre ce genre de position est l’un des plus importants. »
Il s’inquiète d’ailleurs de voir l’indifférence des consommateurs envers l’industrie qui gère leurs économies. Selon Paul Smith, le fait que le client ne voit souvent pas les résultats du travail de son conseiller à court terme y est pour beaucoup.
« Quand on voit un médecin parce qu’on est malade, il nous soigne et on va généralement mieux quelques mois après, illustre-t-il. Lorsqu’on fait affaires avec un conseiller, on ne verra souvent pas l’effet de son travail qu’après vingt ou trente ans. »
L’indifférence des clients expliquerait également la popularité des placements dits « passifs ». Selon lui, les clients, lorsqu’ils vont voir un robot-conseiller ou qu’ils choisissent un fonds indiciel, pensent qu’un conseiller ne peut pas leur apporter de valeur : « Ils estiment que le produit passif est plus transparent que le conseiller et ils lui font plus confiance. Cela dit, je n’ai rien contre l’approche passive, mais j’ai peur que, parce que ça s’appelle un placement “passif”, les gens pensent qu’ils n’ont pas besoin de s’en occuper. Ils auront des surprises lorsque les marchés vont chuter. »
Paul Smith encourage plutôt d’éduquer le grand public en utilisant un langage plus précis : « On devrait parler de fonds indiciel, pas d’investissement passif. Quand on y pense, qu’est-ce qu’il y a de plus actif que la décision d’acheter ou de vendre un fonds indiciel? L’indiciel, c’est un très bon moyen peu coûteux d’exprimer une décision d’investissement active. »
Fait intéressant, selon des recherches menées par l’Institut CFA, 79 % des investisseurs canadiens sont susceptibles de considérer qu’un humain leur donnera les meilleurs conseils, alors que seulement 4 % préfèrent opter pour un conseiller-robot et 17 % pour un mélange des deux. En Chine, 28 % des investisseurs préfèrent opter pour un conseiller-robot, 43 % pour un mélange d’humain et de conseiller-robot et seulement 30% privilégieraient uniquement l’humain pour obtenir des conseils en finance.