L’économie canadienne pourrait être entrée dans une récession technique, alors que les taux d’intérêt élevés pèsent sur les dépenses de consommation, suggèrent les données préliminaires de Statistique Canada.

Dans son rapport sur le PIB publié mardi, l’agence fédérale a révélé que l’économie canadienne était restée stable au cours du mois d’août, tandis que son estimation préliminaire pour l’ensemble du troisième trimestre évoquait une contraction de l’activité économique.

Ces données, plus faibles que prévu, renforcent l’idée, partagée par plusieurs observateurs, voulant que la Banque du Canada ait fini d’augmenter les taux d’intérêt, en plus forcer une discussion au sujet de la récession.

« Je ne pense pas qu’ils augmenteront à nouveau les taux d’intérêt, compte tenu de la faiblesse de l’économie », a estimé Andrew Grantham, directeur général des affaires économiques à la Banque CIBC.

Août était le deuxième mois consécutif où la croissance est restée stable, et les données préliminaires suggèrent que l’économie a poursuivi cette tendance en septembre.

Pour le troisième trimestre, l’estimation préliminaire de Statistique Canada suggérait que l’économie s’est contractée à un taux annualisé de 0,1 %. L’économie s’était aussi contractée au deuxième trimestre.

Une récession technique est définie comme deux trimestres consécutifs de croissance négative, mais les économistes sont généralement à l’affût d’une faiblesse plus large pour qualifier un ralentissement de récession.

« Les baisses sont encore très faibles », a observé Nathan Janzen, économiste en chef adjoint à Banque Royale du Canada.

Selon Andrew Grantham, il est clair que le Canada flirte avec une récession.

« L’économie est très faible, nous stagnons à un moment où nous n’avons pas encore vraiment ressenti le plus grand impact de certaines des hausses de taux d’intérêt passées », a-t-il souligné.

En outre, il a mis en garde contre une l’interprétation des données préliminaires de Statistique Canada, puisqu’elles seront nécessairement révisées d’ici leur publication officielle, dans un mois.

Mises à pied moins généralisées

Une récession est souvent associée à des mises à pied et à une augmentation du taux de chômage à mesure que la situation des affaires se détériore. Andrew Grantham a précisé que la CIBC s’attendait à ce que la croissance de l’emploi soit lente et inférieure à la croissance démographique. Cependant, jusqu’à présent, les mises à pied ont été inégales selon les secteurs, a-t-il noté.

« Ce qui différentie cette situation des récessions plus typiques, c’est que nous assistons à des mises à pied dans certains secteurs, mais il y a encore d’autres secteurs de l’économie qui tentent de réembaucher et de retrouver leur pleine capacité, parce qu’ils n’ont pas pu faire cela après la pandémie en raison de la pénurie de main-d’œuvre », a-t-il expliqué.

« Donc, ce que nous constatons plus que d’importantes mises à pied et une augmentation du taux de chômage, c’est peut-être que la qualité de l’emploi est en train de changer. Peut-être que certaines des industries les mieux rémunérées licencient des gens, mais il existe des secteurs moins bien rémunérés qui essaient encore d’embaucher, donc cela nous protège dans une certaine mesure. »

Le rapport a précisé que 8 industries sur 20 avaient enregistré une croissance en août, et que la progression des industries productrices de services avait été contrebalancée par la diminution des industries productrices de biens.

Selon Statistique Canada, la hausse des taux d’intérêt, l’inflation, les incendies de forêt et la sécheresse ont continué de peser sur l’économie.

Andrew Grantham affirme que l’effet des catastrophes naturelles et des événements météorologiques sur la croissance rappelle que le changement climatique peut alimenter l’inflation en raison des ruptures d’approvisionnement.

« C’est une contrainte d’offre; elle freine l’activité économique. Mais en même temps, ce n’est pas nécessairement une restriction de l’activité économique qui aide à maîtriser l’inflation. En fait, bien au contraire. Cela a tendance à accroître l’inflation », a affirmé Andrew Grantham.

Les détails du rapport sur le PIB offrent de nouvelles preuves que les taux d’intérêt contribuent à ralentir l’économie, alors que les secteurs sensibles à la consommation, tels que le commerce de détail, en subissent un coup dur, alors même que la population augmente rapidement.

« Le fait que l’activité dans ces secteurs ralentisse, malgré la croissance démographique, est une preuve supplémentaire que la hausse des taux d’intérêt commence à avoir un impact plus significatif sur le comportement des ménages en matière de dépenses par personne », a précisé Nathan Janzen.

Des secteurs comme ceux de l’agriculture, de la foresterie, de la pêche et de la chasse, de la fabrication, du commerce de détail ainsi que des services d’hébergement et restauration ont enregistré des déclins.

Parmi les secteurs qui ont connu une croissance figuraient celui du commerce de gros et celui de l’extraction minière, de l’exploitation en carrière, et de l’extraction de pétrole et de gaz naturel.

Pas de nouvelle hausse de taux en vue

La Banque du Canada a choisi de maintenir son taux d’intérêt directeur à 5 % lors de ses deux dernières réunions de politique monétaire. Nathan Janzen a estimé que les données de mardi consolidaient cette décision.

« Cela rend une nouvelle hausse des taux d’intérêt moins probable », a-t-il affirmé.

Les taux d’intérêt élevés devraient continuer de freiner la croissance de l’économie, en particulier parce qu’un plus grand nombre de ménages renouvellent leurs prêts hypothécaires à des taux plus élevés.

Selon une prévision récente de la Banque du Canada, la croissance économique restera faible pour le reste de l’année et pendant une partie de 2024.

Le recul des dépenses provoqué par la hausse des coûts d’emprunt est censé contribuer à freiner l’inflation élevée, qui s’est établie à 3,8 % en septembre.

La Banque du Canada s’attend à ce que l’inflation annuelle revienne à l’objectif de 2,0 % en 2025.