Une hausse plus rapide que prévu des dépenses des ménages pourrait aider le pays à récupérer des dizaines de milliers d’emplois perdus au cours des deux prochaines années, a souligné jeudi un sous-gouverneur de la Banque du Canada.
Les Canadiens ont accumulé en moyenne une épargne de 5800 $ lorsque leurs dépenses ont diminué l’an dernier, alors que plusieurs entreprises étaient fermées ou soumises à des restrictions, et que les consommateurs hésitaient davantage à sortir de leur maison.
Dans le texte d’un discours présenté à Restaurants Canada, le sous-gouverneur Lawrence Schembri a expliqué que le sort de cet argent, soit le moment et la façon dont il sera dépensé, pourrait avoir un impact sur la trajectoire de la reprise économique.
Si la campagne de vaccination se déroule rapidement, la Banque du Canada estime qu’un montant de 4 milliards de dollars (G$) additionnel pourrait être injecté dans l’économie au dernier trimestre de 2021. Cette augmentation pourrait augmenter tout au long de l’année au début de 2022, une fois que l’immunité collective sera acquise.
Cette croissance des dépenses pourrait avoir pour effet d’ajouter en moyenne 30 000 emplois par année, pour les trois prochaines années, aux projections présentées précédemment par la banque centrale.
Ce genre de revirement pourrait être bénéfique aux travailleurs et aux entreprises les plus durement touchés par la pandémie, a-t-il poursuivi, rappelant que des milliers de restaurants avaient mis à pied du personnel ou fermé leurs portes pour de bon alors que leurs ventes plongeaient.
« Il y a beaucoup d’incertitude autour de ce que les Canadiens feront de cette épargne », a observé Lawrence Schembri dans le texte de son discours, publié par la banque.
« Ce facteur est important, car les sommes en jeu sont assez conséquentes pour avoir un effet non négligeable sur la trajectoire de l’économie. Si les Canadiens dépensaient plus que prévu, le redressement de la consommation et de l’emploi serait plus marqué. »
La banque centrale a noté les impacts inégaux sur la population active lorsqu’elle a annoncé, mercredi, qu’elle maintenait son taux d’intérêt directeur à 0,25 %, où il se trouve depuis près d’un an.
Avant la décision de la banque centrale, certaines données économiques pour le dernier trimestre de 2020 se sont révélées supérieures aux attentes, des approbations de vaccins ont été accordées des mois plus tôt que prévu et l’activité du marché du logement a été vigoureuse, assez, selon la banque, pour justifier une surveillance étroite sous peine de surchauffe.
Lawrence Schembri a noté que l’économie nationale avait eu plus d’élan en début d’année que la banque ne l’avait anticipé auparavant, mais la récente baisse des chiffres de l’emploi et l’incertitude persistante faisaient en sorte que ce n’était pas le moment d’augmenter les taux.
« Les pertes d’emplois sont maintenant environ le double de ce qu’elles étaient au plus fort de la Grande Récession il y a une dizaine d’années », a affirmé Lawrence Schembri dans son discours. « Il faudra du temps pour que le marché du travail puisse compenser ces pertes, étant donné que l’économie va se restructurer pendant la reprise. »
Prévisions de l’OCDE
Dans un rapport publié jeudi, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prévoyait une croissance de l’économie canadienne de 4,7 % en 2021, et de 4,0 % en 2022.
Selon l’OCDE, la croissance rapprocherait l’économie des tendances d’avant la crise, ferait baisser le chômage et entraînerait probablement un redressement progressif de l’inflation sous-jacente à court terme. Le rapport a également souligné à quel point les prix des logements au Canada avaient grimpé plus rapidement que dans les autres pays.
L’organisation a estimé que l’économie canadienne nécessiterait toujours un soutien monétaire extraordinaire, et que le gouvernement fédéral ne devrait pas alléger son aide.
« Les autorités devraient continuer d’accorder une importance prioritaire au soutien budgétaire apporté à l’économie tant que celle-ci reste fragile. Le soutien budgétaire mobilisé pour lutter contre la crise pourra cesser lorsque l’activité économique se redressera », indique le rapport.
« Il faut néanmoins établir une feuille de route claire et transparente pour empêcher une montée inexorable de la charge de la dette publique. »
Le rapport indique que le gouvernement devra peut-être envisager une combinaison de réductions des dépenses et d’augmentation des impôts, en particulier pour les taxes à la consommation comme la TPS, et une augmentation plus dynamique de la taxe sur le carbone, pour rendre les finances fédérales viables une fois la crise passée.
L’OCDE a recommandé que le gouvernement établisse des mesures précises sur le moment de faire reculer les mesures de relance. Les libéraux ont déjà indiqué que c’est ce qu’ils prévoyaient faire, mais n’ont pas encore donné de détails à ce sujet.
Le rapport a également appelé le gouvernement à fixer un objectif spécifique d’endettement par rapport au PIB pour contrôler ses décisions budgétaires.