Malgré la décélération et les « trous d’air » de janvier et février, Jérôme Teiletche estime que la croissance devrait se poursuivre en 2018. Si elle décélère un peu, elle reste tout de même très bien synchronisée et la demande mondiale demeure forte.
« Il y a une décélération, mais pour nous elle reste ponctuelle car dans l’économie, il y a des effets d’entraînement et ces effets sont bien en place », explique-t-il.
Il note également que les entreprises qui ont beaucoup d’argent recommencent à investir, ce qui lui semble être une bonne nouvelle pour l’économie mondiale.
Pour lui, la tension des marchés vient de l’inflation. « Pour nous, le point de retournement sur l’inflation c’est l’été 2016, donc ce n’est pas complètement nouveau. Mais c’est apparu dans les marchés récemment », note-t-il.
Il remarque que certaines sources d’inflation commencent à se développer nettement, notamment au niveau des revendications salariales. Mais selon lui, l’économie est dans une logique de croissance bien établie, qui a certes des hauts et des bas, ce qui ne devrait pas l’empêcher de continuer à croître.
Jérôme Teiletche explique que l’on commence à voir la fin de ce cycle pour plusieurs raisons. La première étant que les bonnes nouvelles du marché ont finalement été intégrées alors que la deuxième est plus dans la logique cyclique : « cet environnement de boucle d’or qui présidait l’an passé ne peut pas durer éternellement », affirme-t-il.
Selon lui, c’est impossible d’avoir de la croissance sans inflation sur le long terme. L’économie finit toujours par pencher soit vers une accélération de l’inflation soit vers une décélération de l’économie.
Une stratégie basée sur les valeurs relatives
En réponse à cette nouvelle phase du marché, Unigestion se positionne de façon plus tactique en privilégiant la valeur relative et la protection.
« On va entrer dans une phase où les marchés vont être plus volatils, avec une direction sur le marché des actions qui reste plutôt positive, mais plus volatile, estime le directeur général chez Unigestion. Nous on est beaucoup plus prudents, on pense qu’il faut gérer de façon beaucoup plus tactique. »
En matière de gestion d’actifs, Unigestion utilise des stratégies de diversification, donc ils vont encore aller chercher dans le monde liquide, mais plutôt des positionnements dits de valeurs relatives.
Ils construisent des portefeuilles avec des gérants qui vont offrir une certaine flexibilité. « On arrive ainsi à avoir des rendements très compétitifs face aux actions, mais avec beaucoup moins de variation », déclare Jérôme Teiletche. Leur but principal c’est de protéger leurs portefeuilles de sursauts éventuels du marché.
Bien qu’ils conseillent de les éviter surtout sur le long terme, Unigestion utilise de façon tactique les obligations gouvernementales et le crédit.
« On se positionne de façon à avoir à la fois des actions et des obligations gouvernementales et vendre du crédit. C’est plus la valeur relative qui est intéressante. C’est-à-dire qu’on peut avoir une vue négative sur les obligations gouvernementales, comme nous, et en même temps trouver qu’à certains moments, ça redevient intéressant d’en acheter », explique Jérôme Teiletche.
Le directeur général chez Unigestion explique qu’eux-mêmes aiment les taux de change et ont des vues assez marquées sur certaines devises.
« On n’aime pas le franc suisse, mais on aime bien le yen. C’est deux devises qui sont réputées pour être protectrices dans un portefeuille, mais là encore, notre choix est très lié à la valeur relative de chacune de ces devises. On pense que le cycle au Japon est sous-estimé et que le yen risque de s’apprécier. »
Les banques centrales vont monter leur taux
Selon Jérôme Teiletche, grâce à leurs différentes hausses de leur taux directeur, les États-Unis seraient capables d’accueillir une récession du moins du point de vue de la politique monétaire. Il estime que d’ailleurs les hausses ne sont pas finies et que la Réserve Fédérale va continuer de monter de 25 points de base tous les trimestres.
S’il estime que le Canada devrait bientôt suivre l’exemple de ses voisins et hausser son taux directeur, Jérôme Teiletche se rend compte que certains éléments l’empêchent d’effectuer cette stratégie.
« Le marché immobilier dans certaines régions induit la banque à être prudent, mais elle va devoir suivre progressivement et monter son taux directeur. Ils ne le font pas pour l’instant parce qu’il y a des trous d’air. »
L’impact politique
Jérôme Teiletche estime que la politique pourrait avoir un impact plus bénéfique que prévu sur le cycle économique.
« Je pense que sur le plan politique, on joue à se faire peur alors qu’il ne s’agit que d’éléments de négociations. »
Si beaucoup s’inquiètent de la possible disparition de l’ALENA, lui remarque que par rapport aux annonces immédiates de rupture et de changements draconiens, les débats semblent se diriger vers un accord beaucoup plus raisonnable.
Selon lui, cette politique n’a d’ailleurs pas que des désavantages puisqu’elle remet sur la table les relations économiques entre la Chine et les États-Unis.
« Ce problème de déséquilibre entre la Chine et les États-Unis, ça dure depuis 20 ans, ça se creuse. Il fallait soulever la question à un moment. La conversation peut partir de façon échaudée avant de finir dans un environnement raisonnable et dans lequel les tensions s’apaisent », analyse-t-il.