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Les campagnes des fonds activistes ont atteint des niveaux records au premier semestre 2024, selon le plus récent rapport de Lazard sur l’activisme des actionnaires.

Le phénomène des campagnes activistes, qui consistent pour un actionnaire minoritaire à entrer au capital d’une société cotée en vue d’influer sur sa gouvernance ou sa stratégie, ne cesse de prendre de l’ampleur, ce qui reflète une évolution importante des marchés financiers mondiaux.

D’après les données de Lazard, les campagnes des fonds activistes ont augmenté de 29 % au premier semestre 2024 par rapport à la moyenne des cinq dernières années, dépassant de 7 % le record précédent du premier semestre 2023. Au total, 147 campagnes activistes ont été recensées pour les six premiers mois de l’année, faisant de ce semestre le plus chargé jamais enregistré.

L’univers des actionnaires activistes s’étend également : près de la moitié des activistes recensés en 2024 sont de nouveaux venus (46 % comparativement à 42 % pour l’année 2023). Cette tendance indique que de nombreux fonds sont devenus activistes récemment, voyant dans cette pratique un moyen efficace pour impulser un changement stratégique, signale Lazard.

Légère diminution en Amérique du Nord

En Amérique du Nord, le nombre de nouvelles campagnes a diminué de 3 % par rapport à l’année précédente, ce qui s’explique principalement par un ralentissement au Canada, rapporte Lazard.

Sur les 147 campagnes lancées au premier semestre 2024, près de la moitié (66) ont eu lieu sur le continent nord-américain. Les États-Unis demeurent toutefois un terrain de jeu majeur pour les activistes, avec un total de 62 campagnes lancées au premier semestre.

Le fonds d’investissement américain Eliott Management (30 milliards de dollars d’actifs sous gestion) se distingue avec 11 campagnes lancées au début de 2024, dont six aux États-Unis, trois en Asie et deux en Europe. Le fonds a notamment investi dans Match Group (Tinder), où il a notamment milité pour de nouvelles nominations au conseil d’administration afin d’améliorer les performances du groupe.

Le fonds Barington Capital, actionnaire de Mattel cette année, a lui aussi exercé des pressions en début d’année pour influencer la stratégie du fabricant de jouets à l’égard de deux de ses marques phares, Fisher Price et American Girl.

En 2022, les investisseurs activistes ont demandé le renvoi du personnel de 60 entreprises américaines, soit une augmentation de 46% en données annualisées, selon le cabinet de recherche Insightia. D’après Goldman Sachs, une entreprise sur quatre du S&P 500 a un investisseur activiste au sein de son actionnariat.

Parmi les autres exemples récents, Elliott Investment Management a ciblé Southwest Airlines. Starboard Value s’est attaquée à Autodesk. Jana Partners a fait pression pour obtenir des changements chez Wolfspeed.

En 2018, le Canada se classait au troisième rang mondial des pays touchés par des campagnes d’activisme (204 campagnes), derrière les États-Unis et l’Australie, selon un rapport de Deloitte. Le secteur des ressources était le plus touché, tandis que l’immobilier, les produits de consommation et le cannabis étaient également dans la mire.

Montée en puissance de l’Asie et de l’Europe

La région Asie-Pacifique connaît une explosion du nombre de campagnes activistes, avec 43 campagnes pour les six premiers mois de l’année, presque le même nombre que pour toute l’année 2023. La Bourse de Tokyo, qui exige désormais la communication des plans visant à améliorer la performance du capital pour les entreprises sous-évaluées, constitue un point d’entrée pour les activistes, explique Lazard.

En Europe, les campagnes ont touché davantage de pays que lors des années précédentes. Et parmi les 39 investisseurs ayant lancé des campagnes en Europe au premier semestre, 36 % étaient des nouveaux venus.

Bluebell Capital (250 millions d’euros d’actifs) s’est montré particulièrement agressif sur le Vieux Continent avec trois nouvelles campagnes au premier semestre 2024. Le fonds d’investissement alternatif britannique a notamment demandé au dirigeant de BP d’abandonner son objectif de baisse de la production de pétrole et gaz afin de maximiser la valeur actionnariale, selon le Financial Times. Le fonds londonien, entré au capital du groupe français Worldline, a par ailleurs réclamé une refonte de la gouvernance chez ce dernier, en plus de proposer un cadre sortant de Google pour remplacer le PDG sortant de Telecom Italia.

Selon Christopher Couvelier, responsable des activités de conseil aux actionnaires en Europe chez Lazard, de nombreux fonds sont devenus activistes récemment « car cette pratique peut s’avérer efficace pour impulser un changement stratégique ».

Impact sur les entreprises ciblées

Les entreprises ciblées par les activistes voient leur PDG partir en général dans les 12 mois suivant le lancement de la campagne, ce qui constitue un rythme presque deux fois plus élevé que celui des sociétés non ciblées du Stoxx 600, un indice boursier composé de 600 des principales capitalisations boursières européennes, selon Lazard

Cependant, les investisseurs activistes ont moins bien réussi à pénétrer les conseils d’administration en 2024, car les entreprises se sont défendues efficacement, selon des données de Barclays.

En début d’année, Disney a par exemple fait barrage aux fonds spéculatifs Trian Fund Management et Blackwells Capital, qui voulaient infiltrer son conseil.

Malgré cela, 24 sièges à des conseils d’administration d’entreprises ont été obtenus par les principaux fonds spéculatifs activistes au cours du premier semestre 2024, contre 29 pour l’ensemble de l’année 2023.