« Les marchés émergents ont connu cinq ans et demi de sous-classement, dit-elle. Ce n’est qu’il y a environ un an que leur rendement relatif a touché le fond, et que nous avons vu la première instance de surclassement important. » Mme Kandhari travaille de concert avec Ruchir Sharma, co-directeur de l’équipe des actions des marchés émergents et stratège mondial en chef, pour gérer le Fonds des marchés émergents TD (202 millions de dollars (M$) d’actifs sous gestion).
« Habituellement, les marchés émergents se négocient à un rabais d’environ 25 % en fonction des ratios cours/valeur comptable et cours/bénéfices par rapport au reste du monde », dit Mme Kandhari, originaire de Mumbai (Inde), qui s’est jointe à Morgan Stanley en 2006 et possède 18 ans d’expérience dans l’industrie. « Nous approchons ce niveau avec le ratio cours/valeur comptable, mais nous demeurons plus faibles avec le ratio cours/bénéfices. Le rabais sur l’évaluation est toujours là pour certains étalons de mesure et il n’y a pas de surévaluation à ce stade. »
Selon Mme Kandhari, le principal moteur des marchés émergents est le soi-disant différentiel de croissance par rapport aux marchés développés. « Les marchés émergents vont toujours avoir une croissance, dans l’absolu, supérieure à celle des marchés développés. Ce qui est important, c’est si le différentiel de croissance s’améliore. Voilà la clé. »
Alors que certains pays émergents comme la Russie et le Brésil ont subi une récession, Mme Kandhari maintient qu’ils sont en train de se remettre lentement. « L’élan de la croissance des marchés émergents par rapport au monde développé est clairement en voie d’amélioration. Historiquement, il est corrélé au rendement relatif de la catégorie d’actifs. De ce point de vue-là, le différentiel de croissance intervient en faveur des marchés émergents. »
Au niveau plus vaste du monde entier, Mme Kandhari avance que, au cours de la période de l’après-guerre (de 1950 à 2008), la croissance mondiale a bénéficié de trois facteurs favorables : la croissance de la population, la mondialisation, et l’accroissement rapide de la dette. Depuis la crise financière de 2008, Mme Kandhari maintient que nous assistons à l’inversion de ces facteurs et à l’avènement des « trois D » : le dépeuplement des tranches en âge de travailler, la démondialisation alors que ralentit l’élan des flux commerciaux et des capitaux, et le désendettement parce que certaines parties de l’économie mondiale sont par trop endettées.
« Nous ne pensons pas que la croissance du PIB mondial va passer à la surmultipliée comme elle l’a fait dans la période de l’après-guerre. Dorénavant, la croissance devrait tendre à l’avenir vers les 2,5 % », dit Mme Kandhari, détentrice d’un baccalauréat en commerce avancé de comptabilité financière et de gestion et d’une maîtrise d’études de gestion délivrés tous deux de l’Université de Mumbai.
Dans cette perspective, Mme Kandhari se concentre sur les pays émergents à croissance rapide qui ne sont pas confrontés à des difficultés. « C’est le fondement de notre thèse macroéconomique, et c’est autour de ce thème que nous prenons le plus gros de nos décisions de portefeuille et de nos pondérations nationales. »
Au sein de l’Europe de l’Est, par exemple, Mme Kandhari aime bien les pays comme la Pologne, la Hongrie et la République tchèque, « qui bénéficient d’une accélération de la croissance causée par des facteurs de croissance externes aussi bien que nationaux ». En Amérique latine, elle a une opinion favorable sur des pays comme l’Argentine, le Brésil et le Pérou, où des réformes ont été mises en œuvre et la croissance a montré des signes d’accélération.
En Asie, l’Inde et l’Indonésie sont des pays où le PIB par tête est bas mais qui ont un potentiel de rattrapage et voient leur revenu par tête augmenter lentement du fait de réformes, dit Mme Kandhari. « Ce sont des pays comme ceux-là que nous soutenons, mais nous évitons des pays tels que la Turquie parce qu’ils sont en proie à des problèmes structurels comme le surendettement. »
Ce positionnement se reflète dans les affectations géographiques. La Chine, par exemple, constituait récemment 21 % du fonds, une sous-pondération par rapport aux 27 % de l’Indice MSCI Marchés Émergents, alors que l’Inde était surpondérée par rapport à l’indice (5 % contre 2,28 %).
Une partie essentielle de la méthode de construction de portefeuille pratiquée par l’équipe est qu’elle utilise un cadre d’affectation géographique maison appelé les Dix règles de la route. Ces mesures vont de la démographie à l’endettement en passant par la stabilité de la devise. « Les thèmes dominant du dépeuplement, de la démondialisation et du désendettement sont intégrées aux décisions régissant les affectations géographiques », dit Mme Kandhari.
Alors que la vision macroéconomique représente 50 % des rendements excédentaires, l’autre moitié provient du choix des actions. C’est là que l’équipe de Morgan Stanley accorde sa préférence aux actions de la consommation intérieure à un pays qui correspondent bien à des thèmes comme ceux d’une population vieillissante cherchant de meilleurs soins et d’une demande de tourisme plus haut de gamme. Ils aiment aussi les actions des services financiers dans des pays qui ont des taux de pénétration faibles pour épargner et acheter des produits et ne connaissent pas d’excès dans le domaine du crédit.
Prenons par exemple la Banque OTP, qui est la plus grande banque hongroise et l’un des principaux avoirs d’un fonds qui en comporte 110. « La Hongrie se désendette depuis maintenant sept ans, dit Mme Kandhari. Le ratio d’emprunts du secteur privé par rapport au PIB, mesure qui nous sert à évaluer la pénétration, a diminué de moitié. Mais ce mouvement est en train de s’inverser alors que reviennent la croissance et la confiance. »
Une autre société préférée est Marico, plus gros producteur indien d’huile capillaire. « Nous aimons bien sa direction, son exécution et sa gouvernance d’entreprise. Et la société double ses bénéfices tous les quatre ans, dit Mme Khandari. Elle bénéficie du changement de préférences de la clientèle, qui est passée de produits sans marque à des marques de prestige. Dans sa totalité, le marché des marques représente environ 65 % et devrait monter jusqu’à 80 % pendant la dizaine d’année qui s’annonce. »
L’équipe de Morgan Stanley cherche à ajouter de l’alpha en faisant la bonne analyse macroéconomique, puis en se concentrant sur la sélection des actions, dit Mme Kandhari. « Selon le PIB par tête de ces pays, nous évaluons constamment les pays où la croissance atteint le fond, puis s’accélère. »