Une alarme allumée.
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Le « choc » de la menace d’une guerre tarifaire doit être l’occasion pour les gouvernements « de se réveiller » au sujet de l’économie canadienne qui va dans la mauvaise direction, s’inquiète le grand patron de la Banque Nationale, Laurent Ferreira.

Laurent Ferreira et l’économiste en chef de l’institution financière montréalaise, Stéfane Marion, ont tracé un portrait pessimiste des grandes tendances économiques, jeudi, lors d’une présentation devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM).

« Notre économie est à un moment critique et décisif, a prévenu Laurent Ferreira devant un parterre de gens d’affaires. La performance économique du Canada est en recul depuis un bon moment. »

Il a identifié la baisse de la productivité au Canada, le manque d’investissements en recherche et développement, le déclin des investissements dans le secteur manufacturier et la trop lourde réglementation comme des tendances inquiétantes.

L’administration « combattive » de Donald Trump aux États-Unis confronte le Canada à reconnaître ses faiblesses, selon lui. Bien qu’inquiétante, la menace de tarifs représente une occasion de réfléchir à la politique économique du Canada. « Des fois, ça prend un choc comme Trump pour se réveiller et c’est une bonne chose », réagit Laurent Ferreira en entrevue en marge de la présentation.

Il reconnaît que le fédéral et les provinces se sont montrés proactifs face à la menace d’une guerre tarifaire. « Je pense qu’il faut continuer dans cette veine-là parce que pour avoir une réponse à ce qui se passe en ce moment-là avec Trump, il faut remettre l’économie canadienne sur les rails, puis avancer. »

L’homme d’affaires est toutefois plus dur quand on parle de la politique économique canadienne des dix dernières années. Le fédéral n’aurait pas été suffisamment à l’écoute du milieu des affaires durant cette période, selon lui. « Je pense qu’au niveau du fédéral, ça s’est gâté un peu plus dans les dix dernières années. »

Les dix dernières années coïncident avec les années du gouvernement libéral de Justin Trudeau. Laurent Ferreira n’a pas voulu se prononcer s’il souhaitait un changement de parti à Ottawa lors de la prochaine élection.

Il note que les libéraux auront un nouveau chef. « Je pense qu’on est dû pour un changement. […] Puis je pense que, clairement, le Parti libéral en ce moment travaille là-dessus. Alors que ce soient les libéraux ou les conservateurs, je pense que ce qui est important, c’est de remettre l’économie canadienne comme une des plus importantes priorités. »

L’une des priorités devrait être de réduire la réglementation, croit Laurent Ferreira « Les Américains vont vite réduire la réglementation et les impôts de leurs entreprises, ce qui risque d’élargir l’écart de productivité entre nos deux pays. Il faut réagir rapidement et aider les entreprises canadiennes. Il faut s’attaquer à la réglementation au Canada, qui est un poids, et également au niveau d’imposition. »

Les barrières aux commerces entre provinces pourraient être l’un des premiers endroits où les gouvernements pourraient faire une différence. « Ça ne coûte rien de faire ça. Alors, qu’est-ce qu’on attend ? »

Le marché va contenir Trump

Au cours de son allocution, Laurent Ferreira a dit douter que l’administration Trump puisse aller jusqu’au bout avec sa menace de tarifs de 25 %. « L’économie, ce qui touche le consommateur, les taux d’intérêt, le marché boursier américain sont des garde-fous qui pèseront lourd dans les décisions du gouvernement américain. […] La réputation du président Trump, c’est sa plus grande préoccupation. »

L’économiste en chef, Stéfane Marion, abonde dans le même sens. Les tarifs feraient bondir l’inflation aux États-Unis, ce qui entraînerait une augmentation des taux d’intérêt sur les obligations américaines au moment où Washington affiche un important déficit.

Il note que les taux d’intérêt des obligations aux États-Unis ont commencé à monter, même si la Réserve fédérale (Fed) assouplit sa politique monétaire. Cela fait également en sorte d’augmenter les taux hypothécaires.

« C’est troublant pour Donald Trump et c’est la raison pour laquelle je ne pense pas que le 25 % puisse se faire sans avoir un dommage collatéral important sur les marchés financiers américains », estime l’économiste en chef de la Banque Nationale.