Le Canada « flirte avec l’iniquité intergénérationnelle » tandis que l’inaccessibilité de l’immobilier
réduit le pouvoir d’épargne des jeunes, s’inquiète le président et chef de la direction du Mouvement Desjardins, Guy Cormier.
« On flirte avec l’iniquité intergénérationnelle, prévient-il en entrevue, jeudi. On n’est pas rendu totalement là, mais si on n’est pas vigilant… »
Le Mouvement Desjardins a publié une série de trois études qui tracent le portrait des défis économiques et sociaux auxquels sont confrontés les jeunes de moins de 34 ans en prévision d’un rassemblement organisé par la coopérative à Montréal, les 19 et 20 juin prochain.
Le coût de la vie force les jeunes à repousser certains moments charnières de la transition vers l’âge adulte, ajoute l’économiste en chef du Mouvement Desjardins, Jimmy Jean. « Les jeunes d’aujourd’hui ont beau faire toutes les bonnes choses: aller chercher un diplôme, faire leur entrée sur le marché du travail, travailler fort, bâtir leur carrière. Malgré ça, c’est difficile de faire les transitions vers les grandes étapes, que ce soit former un couple, acheter une propriété, avoir des enfants. »
Pourtant, le temps est « la clé » dans la création d’un patrimoine et la planification de la retraite, souligne Guy Cormier. « Ce n’est pas une question de rendement de portefeuille ou d’appréciation de l’immobilier. S’il te manque 10 ans sur une période de 40-50 ans, c’est dix ans que tu as de moins à faire fructifier (tes actifs). »
L’abordabilité du marché immobilier s’est particulièrement détériorée partout au Canada durant la pandémie et la légère amélioration des derniers trimestres n’est pas suffisante, ajoute jimmy Jean. Il faudra trouver des moyens de stimuler l’offre, soit la construction de nouveaux logements.
« Il faut des logements abordables, mais aussi des endroits où les jeunes vont vouloir rester longtemps, pas juste des condos. C’est une solution qui n’est pas toujours adaptée sur le long terme. »
Lumière à ce sombre tableau, de nombreux jeunes vont profiter d’un transfert de richesse sans précédent tandis que leurs parents sont plus riches que les générations précédentes. En 2019, les Canadiens de 65 ans et plus avaient une richesse collective de 3600 milliards de dollars (G$), selon Statistique Canada. C’est plus du triple en dollars constants qu’il y a 20 ans, toujours pour les personnes de 65 et plus à l’époque.
Tous ne pourront pas profiter de ce legs parental. En plus des moins nantis, l’économiste donne l’exemple des jeunes immigrants qui doivent soutenir financièrement des membres de leur famille à l’étranger. « Il y a des enjeux d’inégalité auxquels il faut s’attarder. »
Préoccupations environnementales
L’inaccessibilité de l’immobilier n’est pas la seule raison qui influence la décision de fonder une famille ou non. Nombreux sont ceux qui remettent en question leur désir de mettre un enfant au monde dans un contexte où les changements climatiques les rendent pessimistes sur l’avenir de la planète.
Un Canadien sur cinq (21 %) affirme avoir moins d’enfants ou a renoncé à fonder une famille en raison des inquiétudes sur les changements climatiques. M. Cormier reconnaît que la décroissance démographique peut contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais cette tendance pourrait amener d’autres défis à long terme.
« Ça peut avoir d’autres conséquences ailleurs sur notre capacité à se payer le réseau d’éducation et de santé qu’on veut. Je ne dis pas ça pour 2025. Je pense à 2040, 2050. »
On aurait tort de blâmer les jeunes pour les défis qu’ils rencontrent dans leur passage à l’âge adulte, ajoute Jimmy Jean. Il prend l’exemple de la fameuse « toast aux avocats » utilisée pour discréditer les préoccupations financières des jeunes.
« Les jeunes Canadiens et Québécois surperforment en matière de littératie financière. (…) Ce n’est pas vrai que les jeunes font des folies. Quand on regarde le temps que ça prend pour accumuler une mise de fonds par rapport à 20 ou 25 ans, c’est beaucoup plus long, peu importe s’ils décident d’être frugaux ou non. »