Un verre à moitié rempli d'eau sur un fonds bleu très pâle.
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Dans un monde où la lutte contre le réchauffement climatique s’impose comme une priorité qui fait consensus, le Québec se trouve à l’aube d’une transformation énergétique majeure. Doté d’une hydroélectricité abondante et renouvelable, le Québec dispose de ressources stratégiques qui pourraient faire d’elle un acteur clé dans le développement de l’hydrogène vert, une énergie perçue comme essentielle pour décarboner des secteurs industriels et énergétiques encore largement dépendants des combustibles fossiles. Cette ambition, bien que porteuse d’espoir, repose sur des défis complexes : mobiliser les investissements nécessaires, structurer une filière compétitive et s’imposer sur un marché mondial en pleine effervescence.

Si l’hydrogène vert n’est pas une technologie nouvelle, il connaît aujourd’hui un regain d’intérêt sans précédent. Ce gaz, souvent qualifié de « vecteur énergétique du futur », est désormais au cœur des stratégies de transition énergétique de nombreux pays. En Europe, en Asie ou encore en Australie, les gouvernements multiplient les plans d’investissement pour développer cette énergie propre, capable de répondre à des besoins variés : alimenter des industries lourdes, décarboner les transports longue distance ou encore stocker l’électricité excédentaire produite par des énergies renouvelables intermittentes comme l’éolien et le solaire. Pour le Québec, il ne s’agit pas seulement de suivre cette tendance mondiale, mais de s’y inscrire en leader, en tirant parti de ses forces naturelles et technologiques.

Une occasion stratégique pour le Québec

Le Québec bénéficie d’un avantage unique dans la course mondiale à l’hydrogène vert : son hydroélectricité. Avec plus de 99 % de sa production énergétique issue de sources renouvelables, la province dispose d’une électricité propre et abordable, un atout essentiel pour produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau. Contrairement à l’hydrogène dit « gris », issu des hydrocarbures et responsable d’importantes émissions de dioxyde de carbone (CO2), ou à l’hydrogène « bleu », qui repose sur la capture et le stockage du carbone, l’hydrogène vert est produit sans émissions directes de GES. Il incarne ainsi une solution prometteuse pour atteindre les objectifs climatiques fixés par l’Accord de Paris.

Mais au-delà de ses atouts énergétiques, le Québec peut également compter sur une expertise industrielle solide. Elle possède déjà une base technologique et scientifique avancée dans des secteurs clés comme l’électrochimie, les matériaux avancés ou encore les systèmes de stockage d’énergie. Des entreprises québécoises se positionnent déjà sur des segments stratégiques liés à l’hydrogène ou à la valorisation des déchets en biocarburants. Cette dynamique pourrait être renforcée par des partenariats internationaux, à condition que le gouvernement québécois adopte une stratégie claire et ambitieuse pour structurer la filière.

L’hydrogène : une réponse aux défis climatiques mondiaux

La montée en puissance de l’hydrogène s’inscrit dans un contexte mondial marqué par l’urgence climatique. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C nécessite une réduction drastique des émissions mondiales de GES d’ici 2030. Or, certains secteurs économiques restent particulièrement difficiles à décarboner. L’industrie lourde (comme la sidérurgie ou la production de ciment), les transports par camions, maritimes et aériens ainsi que la production d’électricité à partir de centrales thermiques au gaz ou au charbon représentent encore une part importante des émissions mondiales.

Dans ce contexte, l’hydrogène apparaît comme une solution clé. En tant que vecteur énergétique, il peut être utilisé pour produire de la chaleur industrielle, alimenter des piles à combustible dans les véhicules lourds ou encore servir de matière première pour des procédés chimiques décarbonés. De plus, il offre une solution pratique pour stocker l’énergie excédentaire produite par les énergies renouvelables, permettant ainsi de pallier leur intermittence.

Cependant, pour que l’hydrogène tienne ses promesses climatiques, il doit être produit de manière durable. Aujourd’hui, environ 95 % de l’hydrogène mondial est encore issu du gaz naturel ou du charbon, des procédés qui génèrent d’importantes émissions de CO2. Le défi consiste donc à développer massivement la production d’hydrogène vert tout en réduisant ses coûts. C’est ici que le Québec peut jouer un rôle déterminant.

Les actions clés pour faire de l’hydrogène vert une réalité au Québec

Certes, les promesses de l’hydrogène vert sont nombreuses. Pour ce faire, sa mise en œuvre effective à grande échelle repose sur des actions stratégiques que les institutions québécoises et canadiennes doivent impérativement entreprendre. Ces actions, à la croisée de la recherche technologique, de l’aménagement des infrastructures et de la régulation économique, détermineront si le Québec veut réellement s’imposer comme un acteur mondial dans ce secteur émergent.

Premièrement, la production d’hydrogène vert par électrolyse nécessite une quantité importante d’électricité. Bien que le Québec bénéficie d’un avantage compétitif grâce à son électricité propre et abordable, produite en majorité par ses barrages hydroélectriques, le défi doit être relevé. Investir dans la recherche et le développement pour améliorer l’efficacité des électrolyseurs et réduire leurs coûts doit figurer parmi les priorités. Ces équipements, essentiels pour décomposer l’eau en hydrogène et oxygène, représentent aujourd’hui une part importante des dépenses liées à la production d’hydrogène vert. L’objectif est clair : rendre cette technologie économiquement viable, mais ajoutons que les derniers développements sur le plan technologique sont excessivement prometteurs.

Le transport et le stockage de l’hydrogène constituent un défi technique et logistique. En raison de sa faible densité énergétique volumique, ce gaz doit être comprimé sous haute pression ou liquéfié à des températures extrêmement basses pour être transporté sur de longues distances. Ces procédés nécessitent le développement d’une infrastructure adaptée : pipelines spécialisés, stations-service à hydrogène pour alimenter les véhicules lourds, ou encore installations de stockage sécurisées. Ces projets d’infrastructure sont essentiels pour structurer une filière compétitive. De nouveau, des développements intéressants ont lieu et il est nécessaire de poursuivre sur cette voie.

Heureusement, des signaux encourageants émanent des paliers gouvernementaux, exprimant leur volonté d’investir dans des projets structurants pour soutenir la transition énergétique. Il faudra garantir que ces investissements soient orientés vers des initiatives durables et innovantes, capables de positionner le Québec comme un leader, notamment dans la filière hydrogène.

Enfin, la filière québécoise de l’hydrogène vert doit trouver des débouchés solides à l’échelle locale et internationale. Cela implique non seulement de convaincre les industriels québécois d’adopter cette technologie, mais aussi de s’intégrer dans les chaînes d’approvisionnement mondiales en hydrogène. Des partenariats avec des pays importateurs comme l’Allemagne ou le Japon pourraient jouer un rôle clé dans cette stratégie.

Une vision tournée vers l’avenir

Au-delà des considérations économiques et technologiques, le développement de l’hydrogène vert représente une occasion unique pour le Québec de réaffirmer son leadership en matière d’innovation durable. En investissant dans cette filière stratégique, la province pourrait non seulement contribuer à la lutte mondiale contre le changement climatique, mais aussi créer des milliers d’emplois dans des secteurs porteurs comme les technologies propres, les infrastructures énergétiques ou encore la fabrication industrielle.

Cependant, cette transition ne pourra se faire sans un dialogue inclusif pour ces projets énergétiques. Une transition énergétique réussie est avant tout une transition juste : elle doit tenir compte des impacts sociaux et environnementaux tout en veillant à ce que ses bénéfices soient partagés équitablement. Bref, une recherche juste d’un équilibre social, environnemental, mais aussi économique en prenant en compte ceux et celles qui assument les responsabilités à titre de promoteurs. Le développement économique demeure nécessaire pour ensuite en souhaiter un partage.

À terme, le succès du Québec dans la filière hydrogène dépendra de sa capacité à conjuguer ambition et pragmatisme. En misant sur ses atouts naturels et technologiques tout en relevant les défis économiques et logistiques qui se posent, la Québec peut assurément, par l’hydrogène vert, s’imposer comme un modèle mondial de transition énergétique durable, s’il le souhaite.

Conclusion : un pari audacieux, mais nécessaire

L’hydrogène vert ne représente pas seulement une occasion économique pour le Québec, bien qu’il en soit incontestablement un : il incarne une vision d’avenir où croissance économique et respect de l’environnement ne seraient plus opposés, mais complémentaires. L’hydrogène vert offre une opportunité unique : celle de diversifier son économie énergétique, tout en contribuant activement à la lutte contre le réchauffement climatique.