Même si les salaires des Canadiens augmentent maintenant plus rapidement que les prix alors que l’inflation continue de baisser, ce n’est pas nécessairement une bonne nouvelle pour les économistes qui craignent que cette forte croissance des salaires n’empêche de ramener l’inflation à la cible de 2 %.
La publication mardi prochain de l’indice des prix à la consommation de Statistique Canada devrait montrer que l’inflation a de nouveau ralenti en avril. D’ailleurs, une combinaison de l’apaisement des pressions mondiales et de la hausse des taux d’intérêt a considérablement réduit l’inflation depuis l’été dernier au Canada, de près de moitié, passant d’un sommet de 8,1 % à 4,3 % en mars.
Groupe Banque TD prévoit que le taux d’inflation annuel a été de 4 % en avril. La banque s’attend aussi à ce que l’inflation alimentaire, qui a considérablement pesé sur les finances de la population, se soit atténuée le mois dernier.
Le ralentissement de l’inflation a permis à la Banque du Canada de suspendre son cycle agressif de hausse des taux plus tôt cette année et d’opter pour une approche attentiste. La banque centrale prévoit que l’inflation tombera à environ 3 % au cours des prochains mois. Cependant, la trajectoire vers une inflation de 2 % devrait être beaucoup plus longue, car la banque centrale s’attend à ce que l’inflation ne revienne à son objectif que d’ici la fin de 2024.
Son taux d’intérêt directeur se situe à 4,5 %, le plus élevé depuis 2007. La hausse des coûts d’emprunt causée par les hausses de taux devrait pratiquement stopper la croissance économique cette année.
Mais la Banque du Canada a déclaré qu’elle ne serait satisfaite que lorsque l’inflation reviendrait à sa cible de 2 %. Pour évaluer à quoi ressemblera le chemin vers une inflation de 2 %, elle surveille de près un indice spécifique de l’économie: la vigueur marché du travail. Celle-ci s’explique en partie par la forte croissance démographique du Canada qui s’ajoute au nombre de travailleurs disponibles pour les entreprises. Pendant ce temps, les postes vacants ont diminué par rapport à l’été dernier, les entreprises signalant moins de pénuries de main-d’œuvre.
Mais avec un taux de chômage juste au-dessus du niveau record du pays de 4,9 %, les économistes affirment que le marché du travail reste encore très tendu. Selon la Banque du Canada, cela contribue à une économie en surchauffe qui alimente l’inflation.
Un élément clé des inquiétudes de la banque centrale est la façon dont le marché du travail tendu affecte les salaires. Après avoir été à la traîne de l’inflation pendant une grande partie de la montée des prix, la croissance des salaires a maintenant dépassé l’inflation, augmentant de 5,2 % en avril par rapport à il y a un an.
Pour les travailleurs qui ont été pressés par la hausse du coût de la vie, cette croissance des salaires est une bonne nouvelle.
Le directeur des affaires économiques de Groupe Banque TD, James Orlando, affirme que les salaires sont en train de rattraper leur retard alors que les travailleurs cherchent à compenser l’inflation. « Après une longue période de temps pendant laquelle les travailleurs ont subi des réductions réelles, parce que leurs salaires n’ont pas suivi l’inflation, on constate des effets compensatoires là où maintenant cette croissance des salaires commence à entraîner des gains réels ».
Tout récemment, des dizaines de milliers de fonctionnaires fédéraux qui ont fait la grève ont obtenu des accords de principe avec le gouvernement du Canada qui incluent des augmentations de salaire importantes destinées à compenser l’inflation. Ces travailleurs, représentés par l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), recevront une augmentation composée de 12,6 % sur quatre ans en plus d’un paiement forfaitaire de 2500 $.
Selon James Orlando, les travailleurs syndiqués voient généralement leurs salaires s’ajuster après les travailleurs du secteur privé, ce qui signifie que les salaires peuvent continuer à augmenter rapidement à mesure que davantage de conventions collectives sont négociées.
L’économiste en chef de BMO Groupe financier, Douglas Porter, affirme que la croissance des salaires au-dessus de l’inflation n’est normalement pas un problème si l’économie connaît également une croissance de la productivité. Cependant, la croissance de la productivité n’a pas suivi le rythme des salaires et, en fait, elle a récemment diminué. « Malheureusement, le Canada n’a pas eu beaucoup de croissance de la productivité au cours des dernières années. Donc, c’est un peu un défi pour les perspectives d’inflation ».
Les économistes affirment que des salaires plus élevés se traduisent par une hausse des prix des services, qui continuent d’augmenter rapidement même si les prix des biens se sont modérés. La croissance des salaires ne conduira pas à une inflation plus élevée, selon Douglas Porter, mais elle pourrait rendre plus difficile la réduction de l’inflation.
La nervosité de la Banque du Canada à l’égard du marché du travail et la persistance de l’inflation ont amené son conseil des gouverneurs à envisager d’augmenter les taux d’intérêt le mois dernier. La décision de rester en pause a finalement été prise, mais le gouverneur de la banque centrale, Tiff Macklem a envoyé le message aux marchés financiers qu’ils ne devraient pas s’attendre à des baisses de taux de sitôt.
Le gouverneur Tiff Macklem a même précisé que des hausses de taux étaient bien plus probables.