Le système bancaire canadien est solide, insiste le président et chef de la direction du Mouvement Desjardins, Guy Cormier, mais il reconnaît que l’économie n’est pas à l’abri des conséquences de la crise de confiance qui secoue certaines institutions aux États-Unis et en Europe.
Avant les manchettes récentes sur les difficultés de Silicon Valley Bank, Crédit Suisse, First Republic ou Deutsche Bank, l’équipe d’économistes du Mouvement Desjardins anticipait déjà une récession en 2023 en raison de la hausse des taux d’intérêt.
Il existe un risque qu’une crise bancaire entraîne une récession « plus forte que ce qu’on avait anticipé », explique Guy Cormier, en entrevue, samedi, en marge de l’assemblée annuelle du Mouvement Desjardins. « C’est clair qu’à ce moment-là, l’activité économique à travers le monde va ralentir et là ça pourrait impacter des entreprises canadiennes, ça pourrait impacter des institutions financières canadiennes qui pourraient voir des pertes sur prêts ajustées à la hausse. »
Jusqu’à maintenant, le grand patron du Mouvement Desjardins se dit rassuré par les derniers développements. « Moi, ce que je salue, c’est vraiment la rapidité de réponse des gouvernements et des autorités bancaires. On voit vraiment qu’il y a un apprentissage important depuis la crise de 2008. En quelques heures, quelques jours, rapidement, les gens ont voulu sécuriser les citoyens, les membres et les clients des institutions et le système financier. »
Le Mouvement Desjardins a des réserves bien garnies pour composer avec de possibles vents contraires, assure Guy Cormier. Le ratio de fonds propres de la coopérative atteint 21%, soit plus du double du minimum réglementaire. Il souligne que l’ensemble du secteur bancaire canadien est bien réglementé et se trouve dans une posture financière résiliente.
Le contexte canadien est différent de l’industrie bancaire américaine qui compte plus d’acteurs de moyenne taille. « Si vous êtes aux États-Unis et que vous voulez rencontrer tous les PDG des banques, vous avez quasiment besoin du Palais des Congrès de Montréal. Si vous voulez rencontrer les dirigeants des institutions financières canadiennes, vous êtes capables de faire ça dans une salle où il y a une quinzaine de chaises. »
La présente crise pourrait apporter une nouvelle leçon, croit Guy Cormier. Les régulateurs internationaux ont accordé beaucoup d’attention aux institutions d’importances systémiques. « Ce qu’on a appris dans les dernières semaines, c’est que des institutions financières de moins grande importance peuvent avoir un caractère systémique, si elles ont des difficultés. »
Un président différent pour le conseil
Réunis en assemblée à Québec, les représentants ont voté en faveur d’une séparation des fonctions de président du conseil de celle de président et chef de la direction. Les deux postes seront occupés par des personnes différentes au terme de la prochaine assemblée en 2024.
Par la même occasion, Guy Cormier, qui remplit les deux fonctions, tirera sa révérence à l’occasion de l’assemblée de 2024, après deux mandats à la tête de la coopérative. Le dirigeant affirme qu’il n’a pas de projets pour la suite des choses. « Vous n’aurez pas de scoop, répond-il. Ma priorité, c’est de profiter de la prochaine année, qui va peut-être être un peu plus difficile, de s’occuper de nos membres et de nos clients et de faire prospérer le Mouvement Desjardins. »
Guy Cormier a consacré une importante part de son discours pour encourager les citoyens à se montrer à l’écoute des aspirations de la jeunesse. Il a déjà porté ce ballon sur plusieurs tribunes à un moment où l’environnement, l’accès au logement et l’inflation soulèvent des inquiétudes chez les jeunes.
Le grand patron de Desjardins a souligné que 35% de ses 58 000 employés avaient moins de 35 ans. Il se dit très heureux de l’attrait de la coopérative auprès de la relève dans un contexte de rareté de main-d’œuvre.
Le dirigeant a d’ailleurs conclu en février une tournée dans six villes du Québec pour rencontrer les jeunes. Il raconte avoir discuté avec des jeunes « qui débordent d’idées ». « J’ai vu des jeunes pour qui l’économie circulaire est la façon normale d’imaginer un projet d’entreprise, donne-t-il en exemple. Pour qui la technologie permet d’améliorer la qualité de vie des gens. Pour qui partager la richesse est plus important que de l’accumuler. »