Des taux d’intérêt à zéro et des achats massifs d’obligations par les banques centrales ont permis à l’économie mondiale de s’extirper de la crise financière qui avait éclaté en 2008. Pendant ce temps, plusieurs économistes prétendaient toutefois qu’une longue période de taux d’intérêt très bas risquait de causer éventuellement une autre crise.
Alors que le moment semble venu pour les banques centrales, en commençant par la Réserve fédérale américaine (Fed), de remonter les taux d’intérêt et de renverser ces politiques extrêmement accommodantes, ce risque va-t-il maintenant se matérialiser ?
C’est ce que criant Brian Raven, président de Tavistock Investments Plc, une firme de gestion de patrimoine du Royaume-Uni. « Ce sont les marchés des obligations qui seront la source du problème cette fois-ci », dit-il en entrevue à CNBC.
En achetant massivement des obligations au cours des 7 ou 8 dernières années, les banques centrales ont accentué la hausse du prix des obligations, si bien que le marché serait maintenant désordonné. « Les marchés obligataires sont dans un état comme on a jamais vu auparavant, ce qui risque de causer un choc financier encore plus grand qu’en 2008 lorsque les prix chuteront », dit le gestionnaire. La chute éventuelle des prix des obligations aura un effet dévastateur chez les épargnants et les caisses de retraite. La chute des prix s’accentuera lorsque tout le monde voudra vendre et que le marché ne possédera pas la liquidité nécessaire pour absorber toutes ces transactions, selon lui.
De plus, une autre crise est certainement possible, car les mesures utilisées pour contrer la précédente n’ont rien réglé, croit Guy Liébart, président de Gestion Sodagep, un gestionnaire de portefeuilles de Montréal. « Il y a beaucoup trop de dettes dans le monde », dit-il.
Autre facteur inquiétant, l’administration Trump tente d’assouplir, si ce n’est d’éliminer, toutes les réglementations mises en place par l’administration précédente visant à éviter les abus qui avaient été à l’origine de la crise financière de 2008, explique Guy Liébart.
Les participants aux marchés financiers accordent le bénéfice du doute, du moins pour l’instant, à la présidente de la Fed, Janet Yellen, disant qu’elle réussira à resserrer le système financier à un rythme ordonné. Mais celle-ci termine son mandat en janvier prochain et sera vraisemblablement remplacée par une personne choisie par le président. Cela pourrait devenir une source d’inquiétude additionnelle compte tenu que plusieurs des nominations faites par Donald Trump depuis neuf mois se sont souvent avérées douteuses quant aux compétences du candidat retenu.
D’autres experts sont toutefois moins pessimistes. Bien qu’on doit prévoir un retour à une certaine volatilité du marché obligatoire, Paul-André Pinsonnault, économiste principal, Revenu fixe, à la Financière Banque Nationale, croit peu probable un scénario de krach dans ce segment des marchés financiers. Il table entre autres sur le fait que l’inflation demeurera contenue. « L’inflation aux États-Unis se dirigera vers 2 % l’an prochain, mais il n’y aura vraisemblablement pas d’explosion », dit-il.
Mike Bell, stratège chez JPMorgan Asset Management, se veut également rassurant, du moins à court terme. « Éventuellement, le resserrement monétaire pourrait entrainer l’économie américaine en récession, mais pour ce qui est de l’an prochain, l’économie et les marchés boursiers devraient être capables d’absorber le degré de resserrement que l’on devrait connaitre », dit-il.
N’en demeure pas moins que l’effet qu’aura le retrait, bien que graduel, des mesures monétaires exceptionnelles des dernières années comporte son lot d’inconnu.