Rien ne va plus pour le milliardaire indien Gautam Adani, propriétaire d’un des plus importants conglomérats d’Asie, qui gère un empire constitué d’entreprises allant de la construction de ports et d’aéroports à la production d’énergie solaire.
Le groupe, dont la valeur était estimée à environ 300 milliards de dollars (G$) au début de l’année, a vu sa valeur boursière réduite d’environ 140 G$ après que la firme d’investissement Hindenburg Research l’a accusé, dans un rapport publié le 25 janvier dernier, de se livrer à de la fraude et de la manipulation boursière
Selon le Wall Street Journal, la firme d’investissement accuse le groupe d’avoir utilisé des sociétés-écrans dans des paradis fiscaux pour investir de manière douteuse dans son groupe et faire gonfler illégalement la valeur de ses actions de 800 % en deux ans.
Malgré les réfutations d’Adani, ces allégations ont déclenché une réaction en chaîne qui a ébranlé le puissant conglomérat indien. Dans les jours qui ont suivi la publication du rapport incriminant, les actions des sept principales sociétés d’Adani cotées en Bourse ont perdu entre 5 et 20 % de leur valeur par jour.
Elles ont rebondi de 13,88% le 28 février, après que l’agence Reuters, citant une source anonyme, a indiqué que le conglomérat prévoyait de rembourser par anticipation des prêts garantis par des actions d’une valeur de 800 millions de dollars (M$) à 1 G$ d’ici la fin mars.
Un colosse aux pieds d’argile
Gautam Adani était le troisième homme le plus riche du monde en 2022, après Elon Musk et Bernard Arnault, sur la liste des fortunes mondiales de Forbes. Ses récents déboires financiers l’ont fait glisser à la 30e place, sa fortune personnelle ayant plongé sous la barre des 40 G$.
Son groupe a connu une expansion importante au cours des dernières années après l’élection de Narendra Modi, un proche d’Adani, au poste de premier ministre de l’Inde en 2014. La santé financière de l’entreprise a toutefois été ébranlée par les dettes importantes accumulées par le groupe pour financer ses nombreux projets d’infrastructures.
En septembre 2022, l’agence de recherche sur la dette CreditSights avait tiré la sonnette d’alarme face au « profond surendettement » du groupe et sur les risques à long terme pour les investisseurs.
La société Adani Ports and Special Economic Zone (APSEZ), le plus grand opérateur portuaire privé de l’Inde avec un réseau de 12 ports et terminaux, a notamment contracté une dette de 550 M$ pour développer un terminal à charbon en Australie. Cette dette arrive à échéance en novembre.
Selon Bloomberg, l’entreprise a lancé une campagne de communication pour tenter de rassurer les investisseurs et les marchés sur sa solidité financière. Lors d’une réunion avec des investisseurs, l’entreprise a souligné sa « trésorerie abondante » et sa capacité à faire face aux défis actuels.
Impacts environnementaux dénoncés
Aux préoccupations des investisseurs quant à la situation financière du groupe s’ajoutent des réserves sur sa manière de gérer les impacts environnementaux de ses activités.
Les projets portuaires du conglomérat sont accusés de dégrader l’environnement marin et de menacer les écosystèmes locaux, tandis que le projet de mine de charbon Carmichael, situé dans l’État du Queensland en Australie, est critiqué pour son impact sur les terres aborigènes, les espèces menacées et les communautés locales.
JPMorgan Asset Management a retiré les actions d’APSEZ de ses fonds ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), selon une analyse de ses données récentes par Bloomberg. Le JPMorgan Global Emerging Markets Research Enhanced Index Equity ESG UCITS ETF, notamment, s’est séparé de plus de 70 000 actions du fabricant de ciment indien ACC qu’il détenait depuis 2021. ACC a été acquise par la famille Adani en 2022.
Sustainalytics, qui évalue les performances ESG des sociétés cotées en Bourse, a revu pour sa part à la baisse les scores de plusieurs entreprises d’Adani.
Près de 500 fonds ESG en Europe détiennent des actions d’Adani, selon des données compilées par Bloomberg. La plupart de ces titres sont détenus par des fonds enregistrés censés promouvoir les objectifs ESG conformément aux règles de l’Union européenne.
MSCI n’a apporté pour sa part aucun changement aux notations ESG des entreprises du milliardaire depuis le rapport Hindenburg. La firme attribue toujours une note A aux actions de deux entreprises du groupe, Adani Total Gas et Adani Green Energy, rapporte le Financial Post.