Au moment où les États-Unis enregistrent des records des taux de contamination et de mortalité en relation avec la pandémie de la COVID-19, leur manque d’agressivité dans la fermeture de l’économie leur donnera peut-être un avantage sur les autres pays dans le futur, pense Frédérik Demers, Directeur, Stratège en investissement pour BMO Gestion mondiale d’actifs.

« Nous avons une préférence pour les entreprises américaines. En entrant dans la crise, elles ont eu tendance à mieux faire, et en sortant de crise elles ont très bien performé, explique-t-il. L’économie américaine, fondamentalement, est beaucoup plus flexible, leur réponse au virus a été un peu moins agressive dans la façon de fermer les économies. Donc, l’économie américaine est mieux positionnée pour une relance dans les 12 prochains mois que l’économie canadienne ou européenne. »

Cette fermeture des économies est justement remise en question par plusieurs organisations à travers le monde, et des arguments pour et contre sont évoqués. Si certain jugent la réaction des gouvernements trop excessive, Frédérik Demers pense qu’il est trop tôt pour juger de l’efficacité de cette décision.

« Il est vrai que certains pays, comme la Suède, ont pris une approche plus libérale et moins agressive, note le stratège. Cependant, je crois qu’il faudra encore un an ou deux pour déterminer si la fermeture des économies était la bonne action à prendre. Ce qui est clair, c’est qu’il y a un prix économique important et qui n’est pas soutenable. Au Canada, on parle d’un déficit de 15% au PIB. Donc, on peut le faire de façon ponctuelle, mais on ne peut pas le soutenir trop longtemps. »

 Des politiques monétaires et fiscales dans le bon sens

Les décisions prises par les différents gouvernements avant et pendant la crise, ont eu pour effet de diminuer les impacts négatifs du ralentissement économique imposé par la pandémie. Ainsi, la Banque du Canada a baissé son taux directeur à des niveaux historiquement bas (actuellement à 0,25%, niveau auquel il restera tout au long de la reprise, selon le gouverneur de la Banque, Tiff Macklem), la Réserve fédérale américaine, qui avait amorcé une baisse des taux à l’automne dernier, a réduit son taux d’intérêt à court terme à près de zéro et compte le maintenir jusqu’en 2022.

« La réponse des politiques fiscales et monétaires des gouvernements a été positive pour les investisseurs, juge Frédérik Demers. La rapidité avec laquelle ces mesures ont été prises est très importante. On n’a pas attendu que les dommages soient plus étendus pour réagir. Ce biais préventif avait déjà été enclenché l’année dernières avec la Fed qui avait commencé à baisser ses taux. Il faut, cependant éviter d’arriver à des taux négatifs. Ce qui est plus efficace, je pense, c’est l’achat de titres, comme les obligations corporatives, par la Banque du Canada. Ceci a pour résultat de garder les coûts du crédit très faibles, et ça a été extrêmement positif. »

Le stratège soutient que cette stratégie profite aux ménages et aux entreprises, puisque le coût de refinancement est plus bas. Mais, ce n’est pas assez pour augmenter les dépenses et les investissements dans les 12 prochains mois. Cependant, pour les dettes qui viennent à échéances, c’est un aspect important pour les ménages et les entreprises, qui se retrouvent avec des marges de manœuvres plus larges.

« En ce qui concerne les projections, je crois que les taux de la Fed et de la Banque du Canada resteront au même niveau pendant 2 ou 3 ans, prévoit-il. Il va falloir beaucoup de temps pour ramener les taux de chômage à des niveaux autour de 7 à 8 %, ce qui serait encore beaucoup plus haut que les niveaux enregistrés avant la crise. »

 En investissement, toujours viser la qualité

Frédérik Demers conseille de toujours viser les titres d’entreprises de qualité et les titres à faible volatilité, une stratégie qui, selon lui, permet d’échapper aux désastres d’une crise comme celle que nous venons de vivre.

« Ce n’est pas le moment de commencer à acheter des titres de moins bonne qualité, prévient-il. Je pense qu’on risque de voir des faillites dans les six prochains mois, des entreprises qui étaient déjà dans des situations précaires avant la pandémie ont connu une accélération de leur détérioration, et je pense que nous n’avons pas fini de voir ce réalignement à travers l’économie. Notre thèse, c’est que l’économie ne sera pas du tout pareille dans 24 mois. »