Au cours de la plus grande partie de 2018, le taux de chômage canadien s’est maintenu près de son plus bas niveau en 40 ans et la création d’emplois est restée forte. La plupart des indicateurs laissaient croire que l’économie tournait près de son plein potentiel.
Le transfert de 2017 à 2018 s’est également bien déroulé. Le pays a enregistré une croissance de 3,0 % pour l’ensemble de 2017, en grande partie grâce aux fortes dépenses des ménages. Il faudra attendre un peu pour connaître les chiffres définitifs de 2018, mais les prévisionnistes s’attendent à ce que cette année ait généré une croissance encore robuste d’environ 2,0 %.
Mais à l’approche de 2019, certains observateurs craignent que la solide expansion économique commence à montrer son âge.
Le mois dernier, l’énoncé économique automnal du gouvernement fédéral misait de nouveau sur une croissance de 2,0 % pour 2019, mais plusieurs économistes prédisent que ce taux diminuera probablement étant donné la chute récente des prix du pétrole.
En plus du repli des prix du brut, les experts soulignent la nervosité des marchés financiers, mais prédisent que l’économie américaine, un facteur clé de la croissance canadienne, va commencer à ralentir et que le divorce difficile entre le Royaume-Uni et l’Union européenne pourrait se répercuter sur l’économie mondiale.
Il existe également un potentiel de menace encore plus grande: une escalade de la guerre commerciale entre Washington et Pékin.
En ce qui concerne le commerce, le Canada a traversé une année riche en incertitudes, notamment avec la difficile négociation et la signature de la nouvelle version de l’Accord de libre-échange nord-américain.
Cependant, un grand nombre d’inconnus commerciaux se répercuteront sur la nouvelle année. La voie de la ratification de l’ALENA 2.0 pourrait s’avérer plus dramatique, alors que les tarifs américains sur l’acier et l’aluminium restent en place et que le conflit entre les deux plus grands partenaires commerciaux du Canada se poursuit.
« Il y a toujours des réflexions sur les ralentissements cycliques qui se produisent et, comme je l’ai déjà dit, les conséquences d’une guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis pourraient avoir des répercussions importantes sur l’économie mondiale, des répercussions négatives », a affirmé le premier ministre canadien, Justin Trudeau, lors d’une récente entrevue avec La Presse canadienne.
« Nous devons nous assurer que nous sommes prêts à naviguer en eaux agitées si cela se produit. »
Transition tardive
Au Canada, les problèmes potentiels comprennent l’endettement élevé des ménages, la hausse des taux d’intérêt et le ralentissement de la croissance des salaires, qui a été « terrible » pendant environ six mois, après avoir connu une bonne reprise au début de 2018, a souligné Matt Stewart, directeur des affaires économiques du Conference Board du Canada.
Les taux d’intérêt plus élevés, a ajouté M. Stewart, ont mis un frein sur les dépenses des ménages, qui ont été le principal vecteur de croissance économique du Canada.
« Cela fait longtemps que nous n’avons pas eu de récession », a observé M. Stewart. « Pour l’instant, je pense que la plupart des nouvelles sont encore positives, mais les risques sont de plus en plus importants. »
Les consommateurs surendettés étant censés faire une pause, l’investissement des entreprises est considéré comme la prochaine source cruciale de croissance. Mais M. Stewart fait remarquer que la transition ne semble pas encore avoir eu lieu, puisque l’investissement n’est pas aussi élevé que prévu, probablement en raison des inquiétudes sur la compétitivité. Les entreprises ne savent pas si le Canada est le meilleur pays où placer leur argent.
Dans le but de stimuler les investissements, Ottawa a annoncé, dans son énoncé de l’automne, des mesures incitatives fiscales de plusieurs milliards de dollars pour les entreprises. Les contribuables devront attendre pour voir si les changements apportés par le gouvernement fédéral seront suffisants pour encourager plus d’entreprises à investir au Canada.
Craig Alexander, économiste en chef de la firme Deloitte, a indiqué que l’économie continuerait d’afficher une croissance saine en 2019, mais qu’une certaine modération était attendue.
« Nous sommes à la fin d’un cycle économique », a-t-il noté. « Cela ne signifie pas qu’une récession est imminente, mais nous devons reconnaître que nous sommes engagés depuis dix ans dans une reprise et une expansion économique. Les cycles économiques durent généralement de huit à dix ans. »
M. Alexander a ajouté que les marchés réagissaient probablement de façon excessive à la possibilité d’un nouveau ralentissement économique imminent. Il estime plutôt que le scénario le plus probable est celui de la poursuite d’un ralentissement de la croissance.
Défis sectoriels
L’évolution de l’économie aura des impacts différents selon le lieu de résidence, a-t-il ajouté. Par exemple, le secteur de l’énergie est confronté à de grands défis.
Cela est partiellement attribuable à la récente chute des prix du pétrole, mais il y a également eu une réduction supplémentaire sur le prix du pétrole brut de l’Ouest canadien, en raison de la congestion dans le transport du pétrole en Alberta.
« C’est une triste nouvelle pour l’Alberta », a affirmé M. Alexander. « Ils ont à peine eu le temps de récupérer de la dernière récession. »
Ottawa a offert son aide ce mois-ci sous la forme d’un programme d’aide de 1,6 milliard de dollars (G$) visant à soutenir les sociétés pétrolières et gazières.
L’Alberta, cependant, demande l’aide du gouvernement fédéral pour acheminer son pétrole vers de nouveaux marchés.
Le secteur industriel ontarien fera également face à un gros obstacle en 2019. General Motors a annoncé son intention de fermer son usine d’Oshawa au cours de l’année, ce qui mettra 2500 personnes au chômage et fera souffrir économiquement la région.
L’économiste en chef de la Banque de Montréal, Doug Porter, a estimé que le Canada avait déjà fait un petit pas en arrière en 2018. Il s’attend à ce que la croissance ralentisse davantage.
« Rien qu’en regardant les marchés financiers, il est manifestement très inquiétant que nous arrivions à un stade avancé du cycle (économique) », a souligné M. Porter. « Nous ne pensons pas que les risques de récession soient particulièrement élevés en ce moment, mais nous pensons que l’économie nord-américaine va se refroidir en 2019. »