L’économie canadienne a connu son pire trimestre depuis le début de la pandémie, se contractant à un taux annualisé de 1,1 % entre avril et juin, et elle pourrait bien avoir reculé davantage en juillet, a indiqué mardi Statistique Canada.
La baisse du produit intérieur brut réel au deuxième trimestre a été la première contraction trimestrielle depuis la forte baisse enregistrée au cours de la même période un an plus tôt, lors des confinements de la première vague de la pandémie de COVID-19.
Il s’agit en outre d’un revirement brutal par rapport à l’estimation initiale de l’agence fédérale, qui entrevoyait le mois dernier une croissance annualisée de 2,5 % pour la période d’avril à juin. Statistique Canada a attribué cet écart entre ses prévisions et la réalisé à des données supplémentaires qui n’étaient pas disponibles le mois dernier.
Statistique Canada a expliqué que la contraction du deuxième trimestre de cette année était attribuable à la baisse de l’activité de revente de maisons et des exportations. L’augmentation des dépenses des entreprises et des gouvernements, ainsi que la construction de nouvelles habitations et les rénovations au cours du trimestre n’ont pas suffi à combler le manque à gagner.
Les dépenses des ménages sont également restées stables au cours du trimestre, même si les restrictions sanitaires ont reculé dans une grande partie du pays et que les consommateurs avaient plus d’endroits où dépenser.
Cependant, les dépenses de consommation au cours du trimestre ont semblé alimenter la hausse des prix dans un contexte de problèmes généralisés de chaîne d’approvisionnement, plutôt que d’alimenter la croissance.
La Banque du Canada a décidé de laisser l’inflation dépasser son objectif de 2,0 % jusqu’à ce que l’économie se redresse, mais elle est maintenant confrontée à un paysage politique plus compliqué, a souligné l’économiste en chef de la Banque de Montréal, Douglas Porter.
Un resserrement de la politique monétaire, généralement effectué pour refroidir les pressions sur les prix, ralentirait la croissance, mais l’ajout de mesures de relance pourrait simplement alimenter l’inflation, a-t-il expliqué.
« C’est là que l’élaboration des politiques devient très compliquée et que les décisions sont difficiles », a affirmé Douglas Porter.
« Parfois, vous avez le meilleur de tous les mondes lorsque vous avez une forte croissance et une faible inflation, et parfois vous avez le pire de tous les mondes lorsque vous avez une inflation élevée et une croissance faible ou nulle _ et c’est la situation dans laquelle nous nous trouvons temporairement, à l’heure actuelle. »
Le deuxième trimestre s’est terminé avec une croissance économique de 0,7 % en juin, après deux mois de baisse, plaçant l’activité économique totale 1,5 % en dessous de son niveau de février 2020, soit avant la pandémie.
Nouvelle contraction en juillet?
Dans sa nouvelle estimation préliminaire, Statistique Canada a dit s’attendre à une contraction de 0,4 % pour le mois de juillet. Selon l’agence, les principales baisses pour juillet touchaient les secteurs de la fabrication, de la construction et du commerce de détail. Les services d’hébergement et de restauration devraient pour leur part avoir enregistré de solides gains mensuels en raison de l’assouplissement des restrictions de santé publique.
L’activité économique totale en juillet devrait être inférieure d’environ 2 % à son niveau de février 2020.
Ces chiffres suggèrent que l’économie canadienne n’était pas aussi solide que plusieurs le croyaient au début du troisième trimestre de l’année, a souligné Royce Mendes, économiste principal à la Banque CIBC.
« Et avec la quatrième vague qui semble maintenant se présenter, l’économie fait face à une autre tempête », a-t-il écrit dans une note.
Malgré tout, Sri Thanabalasingam, économiste principal à la Banque TD, a vu quelques lueurs d’espoir dans les chiffres. Les consommateurs réorientent leurs dépenses des biens vers les services, ce qui a pesé sur la production du commerce de détail, et le marché du logement en surchauffe a renoué avec des niveaux plus normaux, a-t-il souligné.
Ces faiblesses, poursuit-il, devraient cesser progressivement d’agir comme des freins à mesure que l’activité dans chaque secteur se normalisera.
Ce qui pourrait miner l’économie de façon plus importante pour le reste de l’année est plutôt la propagation du variant Delta de la COVID, a estimé Sri Thanabalasingam.
Les provinces cherchent à éviter les confinements en proposant des passeports vaccinaux pour accéder aux entreprises non essentielles. Les entreprises mettent en œuvre des opérations de tests réguliers et le vaccin est rendu obligatoire pour certains travailleurs et voyageurs.
L’augmentation du nombre de cas pourrait affecter la confiance des consommateurs, ce qui pourrait se révéler être un choc important, a noté Sri Thanabalasingam. « Cela pourrait ralentir le rythme de la reprise », a-t-il prévenu.
« Je ne pense pas que cela fasse dévier la reprise économique, compte tenu de toutes les mesures qui ont été mises en œuvre, mais cela pourrait ralentir la reprise. »
Douglas Porter a indiqué qu’il réduisait sa prévision de croissance économique pour l’année, la faisant passer de 6,0 % à 5,0 %, mais il a ajouté que « 5,0 % pourraient même sembler un peu optimistes à ce stade, pour être honnête ».