Avec 2 612 nouveaux emplois, soit une hausse de 12%, et des investissements en capital de risque de 691 millions $, le secteur Fintech a poursuivi sa lancée en 2022. L’année se distingue par l’apparition de deux géants dans la constellation fintech québécoise : Sesami, création de Garda World, et Groupe CGI.

Le récent Rapport Fintech Québec 2022 rapporte qu’en février 2022, Garda World Security Corporation a annoncé la création de Sesami Cash Management Technologies, une société spécialisée dans la gestion de numéraire. Du coup, Sesami procédait à l’acquisition de l’américaine Tidel et de la suédoise Gunnebo Group, pour une « contrepartie d’environ 900 millions $ », écrit le communiqué de Sesami. Émergeait ainsi une nouvelle fintech québécoise de portée mondiale avec des revenus de 1,3 G$, selon le communiqué de presse de Sesami.

Ont suivi en août deux autres acquisitions de la part de Sesami : ARCA et Planfocus Software.

« Sesami devient de facto le chef de file mondial des solutions technologiques de gestion du numéraire, avec une infrastructure technologique inégalée et désormais bonifiée par l’ajout du logiciel IA d’optimisation de la gestion du numéraire de Planfocus », affirmait Stéphane Gonthier, président et chef de la direction de Sesami.

Groupe CGI est l’autre géant à faire une apparition soudaine dans le paysage fintech québécois. Dans le cours de 2022, le grand intégrateur, dont les revenus s’élevaient à 12,9 G$ en 2022, a annoncé l’acquisition des françaises Umanis et Harwell Management et de l’australienne Unico pour des montants non divulgués. Umanis à elle seule abrite 3 000 employés et un revenu annuel de 246 millions d’euros qui rejoint la nébuleuse fintech internationale pilotée à partir du Québec. Toujours en 2022, CGI a annoncé des partenariats avec Aviso Wealth, Banque Laurentienne et CI Financial.

Chiffres brouillés

Cette arrivée de CGI et de Sesami dans l’agora fintech disloque les chiffres du Rapport Fintech Québec 2022 puisque les investissements réalisés par ces deux nouveaux joueurs ne sont pas comptabilisés dans les totaux du rapport. Ainsi, le Rapport fait part d’un financement total de 691 M$ en 2022, mais ce chiffre n’inclut pas de toute évidence les 900 M$ des acquisitions de Sesami ni les sommes non divulguées des acquisitions de CGI.

De plus, les emplois additionnels que représentent ces acquisitions ne sont pas comptabilisés dans les 2 612 nouveaux emplois qu’annonce le Rapport, notamment les 3000 ajoutés par l’arrivée d’Umanis. Par contre, le Rapport inclut maintenant dans son emploi total du secteur les 10 805 employés que compte CGI au Canada, mais ce chiffre n’est nullement représentatif des activités de CGI strictement liées aux fintechs.

Par exemple, en intégrant la main d’œuvre de CGI, on se retrouve d’un coup avec un secteur des technologies d’investissement qui prend la première place du palmarès – et de loin –  avec 11 546 employés, soit 53,75% de l’emploi fintech, alors que dans le précédent Rapport Fintech, les technologies de paiement occupaient la première place avec un très large écart, totalisant 6 648 travailleurs au Canada. Nous avons cherché à élucider ces nombreuses incohérences apparentes auprès de Finance Montréal, mais celle-ci n’a pas donné suite à nos demandes d’entrevue.

Par ailleurs, l’année 2022 a été marquée par d’importants financements en capital de risque RenoRun, actif dans les applications du secteur de la construction, a levé 181 M$; Hopper, dans le domaine des voyages, 174 M$; Nesto, dans les prêts hypothécaires numériques, 80 M$; Workjam, dans l’organisation des opérations d’entreprise, 67 M$.

Au 31 décembre 2022, le Québec abritait 226 entreprises fintech, donnant emploi à 21 506 travailleurs. C’est dire que la part de l’emploi québécois se découpe une modeste part de 9,5% dans l’ensemble canadien. Ces emplois se retrouvent dans 47 micro-entreprises de moins de 4 employés, 151 petites entreprises comptant moins de 100 employés, 17 moyennes entreprises de 100 à 499 employés, et 12 grandes entreprises de plus de 500 employés.

Les technologies de paiement remportent encore la palme par le nombre d’entreprises, soit 53, qui s’y activent, suivies par les technologies d’investissement (29 entreprises), l’assurtech (22 entreprises). Suivent les technologies crypto/finance décentralisée (16), les technologies de prêt (15), la gestion de patrimoine (15), les marchés de capitaux (14) et l’intelligence artificielle (13).

Tendances et développements

La confusion des chiffres mentionnée plus haut tient probablement à ce que le rapport identifie comme une des principales tendances à se dessiner au cours des deux prochaines années : un nombre accru de fusions, partenariats et acquisitions entre fintechs et institutions financières. Cela pourrait conduire à une ligne de démarcation moins nette entre nouveaux joueurs et acteurs en place.

Une autre tendance susceptible de se renforcer tient à une accélération de l’adoption des technologies fintech parmi les PME, notamment parce que celles-ci seront davantage contraintes par les taux d’intérêt accrus. Par exemple, devant des avenues de crédit traditionnelles plus restrictives, plusieurs PME sont susceptibles de se tourner vers des plateformes fintech de prêt.

Notons enfin six macro-tendances identifiées par le Rapport Fintech qui contribueront à changer en profondeur les marchés financiers d’ici 2030 : la finance invisible et intégrée, une consolidation accrue, la multiplication des API (services d’accès sécurisé aux comptes), le modèle « humain en tant que service », le partage des données ouvertes, enfin l’intelligence artificielle au quotidien.