Les investisseurs ont retenu leur souffle. Après le Brexit, des élections en France et aux Pays-Bas laissaient entrevoir la prise du pouvoir par des gouvernements aussi hostiles à l’Union européenne et la zone euro. Mais il y a eu plus de peur que de mal finalement, alors que des partis plus centristes ont eu le dessus. Au Royaume-Uni, le Parti conservateur est même devenu un gouvernement minoritaire, rendant ainsi plus difficile sa tâche de négocier sa sortie de l’Union européenne.
« La catastrophe anticipée n’a pas eu lieu. Même si l’Europe n’est pas au bout de ses peines, à cause de ses dettes et sa faiblesse démographique, les grands risques ont diminué et elle est plus attrayante pour les investisseurs », constate Jean Masson, directeur général de Gestion de placements TD, qui attribue une surpondération aux actions européennes.
D’autant, ajoute-t-il, que les ratios cours/bénéfice sont plus intéressants par rapport à ceux des actions nord-américaines et que les marges de profit s’améliorent. Il note aussi que la croissance économique européenne s’accélère et que l’indice des directeurs d’achat (PMI) a été vigoureux, ce qui devrait favoriser la croissance du bénéfice par action.
De plus, la reprise s’est poursuivie en Europe où l’économie a enregistré une croissance de 1,9 % au premier trimestre, alimentée par les dépenses des ménages et la construction d’immobilisations. La Banque centrale européenne (BCE) poursuit sa politique très expansionniste, ce qui devrait soutenir les actions européennes, pendant que la Réserve fédérale des États-Unis (la Fed) continue de resserrer lentement le crédit.
Gestion de placements TD s’intéresse particulièrement à des entreprises de consommation de grande qualité, comme les géants Nestlé et Danone à titre d’exemple, qui paient des dividendes élevés. Par contre, les institutions financières présentent trop de volatilité. « Les banques détiennent des obligations d’État de pays qui sont lourdement endettés », rappelle Jean Masson.
Au pays de Trump
Si la politique en Europe a dominé l’actualité ces derniers mois, il en va de même aux États-Unis où les marchés financiers sont néanmoins demeurés empreints d’optimisme et que les actions et les obligations ont continué à grimper.
Mais si les bénéfices et les flux de trésorerie des sociétés continuent d’afficher une bonne tenue aux États-Unis, les évaluations sont relativement élevées et les marges de profit sont sur le point de plafonner. De plus, l’effet Trump qui a suivi l’élection américaine semble s’être estompé en raison des doutes soulevés par l’incapacité du nouveau gouvernement à faire adopter ses politiques favorables aux entreprises.
« Même si nous nous attendons à ce que les bénéfices continuent de croître, la croissance des bénéfices des sociétés américaines a peut-être plafonné au cours du trimestre », souligne Gestion de placements TD qui fait passer les actions américaines d’une légère surpondération à une pondération neutre.
Si la réforme prévue dans le domaine de la santé a peu d’effet sur le marché boursier, la promesse d’une baisse d’impôt des sociétés pourrait avoir des effets bénéfiques. Par ailleurs, la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain laisse planer un climat d’incertitude.
« Les risques de guerre commerciale mettent un frein à la mondialisation et n’envoient pas un message positif sur les marchés financiers. Mais, à l’exemple des autres promesses de Trump, les États-Unis pourraient avoir des difficultés à se lancer dans une telle guerre », indique Jean Masson.
De même, malgré la poussée des titres vedettes comme Apple, Facebook, Amazon ou encore Google, qui a propulsé le Nasdaq et l’indice technologique du S&P 500 ces derniers mois, le spectre d’une bulle technologique ne l’inquiète pas outre mesure. Ces entreprises « se vendent à des multiples élevés, mais elles génèrent des revenus et des profits élevés, ce qui n’était pas le cas lors de l’éclatement de la bulle en 2000 », fait valoir Jean Masson.
Baisse de régime au Canada
La croissance économique canadienne a été étonnamment forte au premier trimestre, augmentant de quelque 3,7 %, note Gestion de placements TD, qui croit toutefois que la croissance sera moins importante dans les prochains trimestres et sous-pondère les actions canadiennes.
« Les dépenses des ménages ont été un facteur important des bons résultats observés au premier trimestre, mais cela n’est probablement pas viable à long terme puisque le niveau déjà élevé d’endettement des ménages continue d’augmenter ».
Le ralentissement de la croissance de la demande en produits de base et la faiblesse des prix du pétrole nuiront aussi probablement à la croissance économique et au marché boursier canadien. « Comme on s’attend à ce que la croissance économique et l’inflation soient faibles, les sociétés pourraient avoir de la difficulté à faire croître de façon importante leurs bénéfices ».
Enfin, Gestion de placements TD ne s’attend pas à une hausse importante des taux d’intérêt à court terme. L’importance de l’écart de production dans l’économie canadienne devrait ainsi amener la Banque du Canada à maintenir les taux bas pendant encore un bon moment.
La société de gestion de placements conserve ainsi une position neutre des obligations d’État canadiennes, des obligations de sociétés de première qualité et des obligations indexées sur l’inflation. Elle continue par ailleurs à sous-pondérer au maximum les obligations d’État mondiales, « car l’extrême faiblesse des taux réels et nominaux rend peu attrayante l’équation risque-rendement ».