Si les bas taux d’intérêt permettent de soutenir l’économie, ces derniers imposent de nombreux défis aux investisseurs et institutions financières. Les taux d’intérêt négatifs nuisent ainsi à la rentabilité en érodant les marges d’intérêt nettes des banques.
Afin de ne pas enregistrer de mauvaises années, les banques vont devoir réagir, car les économistes et les analystes s’attendent à ce que la compression actuelle des marges dure au moins cinq ans, et probablement plus, note de McKinsey & Company dans une analyse récente.
Notons toutefois que l’impact des taux d’intérêt négatifs n’est pas le même pour toutes les institutions. Les plus petites ont davantage tendance à souffrir, car elles sont plus axées sur les prêts et les dépôts nationaux, alors que les grandes tendent à être plus diversifiées sur le plan des devises et à avoir une plus grande part de commissions.
Toutefois, les institutions de toute taille doivent se préparer aux effets à long terme des taux d’intérêt négatifs en adoptant un programme de contre-mesures.
Les financiers sont en mesure d’atténuer la majeure partie de l’épuisement prévu en s’appuyant sur une gouvernance efficace, un cadre clair d’appétit pour le risque pour les stratégies de couverture et une meilleure collecte de données.
Les composantes des marges nettes d’intérêt
Les principales composantes des marges d’intérêt nettes sont des éléments structurels – tels les bénéfices de la transformation des échéances, la modélisation et la couverture de la teneur en réévaluation des fonds propres de la banque, et les revenus du tampon de liquidité – des marges sur les actifs et des marges sur les passifs. Ces deux derniers éléments sont étroitement liés aux activités des clients.
Les éléments structurels représentent 15-35 % de la marge d’intérêt nette et diminuent en raison de l’aplatissement des courbes de taux d’intérêt et du resserrement des écarts de crédit pour les obligations.
Les taux d’intérêt négatifs ont des effets spécifiques sur chaque composante.
Du côté des éléments structurels, les banques doivent détenir des quantités importantes d’actifs liquides de haute qualité pour satisfaire aux exigences fixées par le ratio de couverture des liquidités. Ces actifs sont principalement constitués de réserves de la banque centrale ou d’obligations d’État qui ont pour la plupart des rendements négatifs.
Les nouvelles exigences réglementaires en matière de financement à terme peuvent allonger la durée des passifs nécessitant une duration d’actif correspondante. La courbe de rendement aplatie diminue les avantages de la transformation des échéances et la stabilité des nouveaux dépôts est incertaine.
Pour les marges sur les actifs, les banques qui accumulent un excédent de liquidités à partir des dépôts sont particulièrement incitées à augmenter leurs prêts pour absorber ces liquidités. Certains vont peut-être décider d’accroître leur goût du risque pour les investissements en titres et les prêts plus risqués, mais cela risque de trop compromettre la marge des prêts à terme.
Finalement, du côté de la marge sur les passifs, la possibilité de réévaluer les dépôts plus rapidement que les actifs est utile au début. Si la réévaluation des dépôts des entreprises en dessous de la limite zéro est possible dans une certaine mesure, les dépôts des particuliers sont plus difficiles à réévaluer, car les dépôts deviendraient inférieurs aux avoirs en espèces.
Même si les taux d’intérêt restent stables au cours des cinq prochaines années, l’impact des taux négatifs continuera à comprimer les marges nettes d’intérêt, en particulier les éléments structurels.
Renforcer la résilience
Le financier peut lutter contre l’impact des taux négatifs en identifiant tous les risques pertinents en mettant en œuvre des mesures pour consolider et stabiliser les composantes des marges d’intérêt nettes et en coopérant activement avec la direction générale pour aider à orienter l’entreprise dans un environnement de taux d’intérêt négatifs, assure l’analyse de McKinsey & Company.
Pour analyser et comprendre les risques, les trésoriers doivent adopter un système de notification qui saisit, modélise et stimule les risques de taux d’intérêt, de financement et de liquidité. Il faut créer une transparence au niveau des transactions entre les entités juridiques.
Grâce à cela ils pourront notamment évaluer l’impact des risques politiques, juridiques ou de réputation, tels que le plancher implicite de zéro pour cent pour les taux des dépôts de détail et des prêts hypothécaires; ou encore, examiner la dynamique des risques liés aux pensions et aux assurances en raison des variations des taux d’intérêt et de l’interaction avec les taux d’inflation, les écarts de crédit et la longévité.
Les trésoriers devront optimiser le profil risque-rendement des composantes structurelles des marges nettes d’intérêt notamment en formulant un modèle de gouvernance efficace et un cadre clair d’appétit pour le risque pour les stratégies de couverture.
L’objectif est d’obtenir des décisions claires par exemple en ce qui concerne les modèles comportementaux pour les soldes des dépôts non échus, qui alimentent les modèles de risque de taux d’intérêt et les stratégies de couverture; les ajustements pour les profils d’échéance non concordants des actifs et des passifs ou encore l’utilisation des liquidités dans les filiales ou succursales étrangères.
Les trésoriers auront également pour mission de stabiliser les éléments liés aux clients. Pour stabiliser les composantes de la marge d’intérêt nette (actif et passif) liées aux clients, les financiers ont également besoin d’un mécanisme de tarification des transferts de fonds et d’un système de limites qui remplissent quatre fonctions : inciter les lignes d’activité à générer des actifs portant intérêt, réduire les coûts de financement, accroître la stabilité des dépôts et réduire au minimum les besoins de liquidités. Les financiers peuvent obtenir l’effet de levier nécessaire pour atteindre ces objectifs en prenant certaines mesures comme en ajustant les taux des clients pour les comptes courants, les dépôts à court terme et les dépôts d’épargne en proposant des « paquets de comptes » avec des frais fixes ou en stimulant le transfert des dépôts instables avec un taux d’intérêt plancher de zéro vers des produits d’investissement alternatifs.
Ces actions peuvent inclure une augmentation temporaire du ratio prêt/dépôt, inversant le paradigme traditionnel qui consiste à viser un faible ratio prêt/dépôt, comme l’ont fait le Danemark, la Japon, la Suède et la Suisse entre 2014 et 2018.
Grâce à ces différentes mesures, les financiers pourraient être en mesure d’atténuer la majeure partie ou la totalité de l’épuisement prévu des marges d’intérêt nettes pour les cinq prochaines années.
À noter toutefois que la stabilisation de la marge d’intérêt nette uniquement ne suffira pas à entraîner une croissance durable et significative des revenus.
Les financiers devront également aider les hauts dirigeants à orienter les entreprises dans un contexte de taux négatifs. Pour être efficaces dans leur capacité de consultation, ils doivent veiller à ce que les rôles et les responsabilités entre la trésorerie, les finances, les risques et les lignes d’activité soient clairement définis et universellement compris. La technologie pourrait aider à faire cela.
Les banques devront adopter une approche stratégique pour gérer la croissance réelle. Les financiers peuvent aider en prenant des mesures pour savoir comment certains éléments vont impacter la croissance comme le développement des solutions d’investissement hors bilan, telles que les plateformes de dépôt, les balayages, les solutions de fonds, les fonds négociés en bourse et les plans d’épargne basés sur l’assurance, ou l’utilisation des incitations et l’allocation de capital pour augmenter les volumes de prêts dans les entreprises à marge élevée comme le crédit à la consommation et les cartes de crédit.