En 2005, Warren Buffett écrivait dans sa traditionnelle lettre aux investisseurs qu’un investisseur amateur mettant son argent dans un fonds indiciel passif ferait mieux que les « stars » des fonds de couverture qui chargent des frais exorbitants pour de bien piètres résultats.
En 2007, le légendaire investisseur a pris une gageure de 500 000 dollars américains (versée en bienfaisance) qu’aucun professionnel ne pourrait sélectionner un panier de cinq fond de couverture capable de battre un simple fonds indiciel passif sur un période de 10 ans. Un seul individu a relevé le défi, Ted Seides, cogestionnaire du fonds de fonds Protégé Partners; il a retenu cinq fonds de fonds qui investissent dans 200 fonds de couverture individuels. Le choix de Warren Buffet était le fonds Vanguard S&P 500 Index.
Warren Buffett a gagné. En décembre 2017, le fonds de Vanguard enregistrait un gain annuel moyen pour 10 ans de 8,5%, le fonds de fonds, de 2,4%. Le « sage d’Omaha » commentait que, faire de l’argent pendant cette décennie aurait dû être facile pour ces « pros », notant que ceux-ci ont prospéré grâce à leurs frais tandis que « leurs investisseurs ont connu une décennie perdue. Les rendements vont et viennent, les frais sont toujours là. »
Qui perd le moins gagne
L’industrie des fonds de couverture, évaluée à 3,83 billions $US par Hedge Fund Research (HFR), n’a pas vraiment connu une bonne année depuis 2008. Le fonds emblématique de cette année-là fut celui de John Paulson qui, en misant contre le marché des subprime, a inscrit un gain de 15 G$US. En 2022, le fonds Citadel a battu ce record avec un rendement de 16 G$US.
La « victoire » des fonds de couverture est cependant mitigée, du type « qui perd le moins gagne ». Tandis que le S&P 500 plongeait de -18,1% en 2022, le HFRI Fund Weighted Composite Index reculait de -4,22%, le PivotalPath Composite Index, de -0,8%.
Les gains et les pertes se distribuent inégalement. Les stratégies qui remportent le plus d’honneurs sont celles des « contrats à terme gérés » et « global macro », qui ont clôt 2022 avec des gains nets de 15% et 12% respectivement, selon PivotalPath. À l’autre extrême, c’est la stratégie « actions long/short » qui souffre le plus, à l’image des marchés d’actions en général : -13,7%. Une stratégie fréquente, l’arbitrage, inscrit un résultat très proche de l’industrie générale : -5,2%.
La performance de 2022 pèse lourdement du côté des plus grands fonds de couverture. Ainsi, la dispersion entre le 75e percentile supérieur et le 25e percentile inférieur a été de 20,1% alors que la moyenne de dix ans est de 12,3%.
La très volatile année 2022 a permis aux fonds de couverture de démontrer la vertu que leur nom affiche – « couverture » – en réduisant sensiblement la volatilité pour leurs investisseurs. Alors que l’indice de volatilité du S&P 500 a été de 23,5%, l’indice de PivotalPath a montré une grande équanimité à 3,5%. PivotalPath note que son indice a affiché une volatilité inférieure à sa moyenne de 25 ans, alors que celle du S&P 500 était supérieure de 50% à sa moyenne de 25 ans.
Moins chers
Trois tendances majeures se dessinent dans l’industrie, selon ValueWalk. La première tient à une baisse sensible des frais exorbitants qu’on a tant reprochés aux fonds de couverture, des frais qui récoltaient un frais de performance de 20% sur les profits par-dessus un frais de gestion de 2%. Ainsi, à la fin de 2020, la moyenne des frais avait été abaissée à une part de 16,4% des gains et à 1,4% pour la gestion.
Plus encore que dans le monde de la gestion classique, les fonds de couverture ont recours à des technologies d’intelligence artificielle pour mettre au point des stratégies et des techniques d’exécution susceptibles de les distinguer de leurs compétiteurs.
Enfin, face à une inflation soutenue, ValueWalk prévoit que l’année 2023 pourrait voir la catégorie global macro” l’emporter à nouveau. Cette stratégie « a recours aux événements politiques et économiques pour produire des profits, et on ne manquera sans doute pas de tels événements dans la prochaine année, » peut-on lire sur le site.
Mais qu’en sera-t-il pour les 10 prochaines années? Warren Buffett gagnerait-il en 2033 une gageure comme celle qu’il a faite en 2007?