Mardi lors d’une conférence à la School of Business de l’Université de l’Alberta, le gouverneur a fait état de l’incertitude que fait planer sur l’économie canadienne l’arrivée de l’équipe Trump à Washington, principalement à cause du discours protectionniste de la nouvelle administration.
L’inquiétude exprimée par M. Poloz vise à maintenir le huard à un niveau plus bas, croit Viet Buu, président, CTI Capital. Compte tenu du prix de pétrole à 53 $US, le dollar canadien pourrait valoir jusqu’à 0,78 $ US, selon lui. Mais dans le contexte actuel, on préfèrerait que le dollar canadien ne soit pas trop élevé. « Nul doute que les autorités canadiennes aimeraient se présenter à la table de négociation, si tel devait être éventuellement le cas, avec un dollar pas trop élevé, car une réévaluation du dollar canadien pourrait être une des exigences des négociateurs américains », dit-il.
Hendrix Vachon, économiste principal chez Desjardins et spécialiste du marché des devises, croit de son côté que le dollar canadien est relativement bien évalué présentement, malgré que nous soyons dans une zone incertaine. Il rappelle toutefois que la Banque du Canada n’intervient pas directement sur le dollar canadien. « Le huard s’est amélioré récemment parce que les données économiques canadiennes sont bonnes », dit-il.
L’économiste de Desjardins n’est pas particulièrement inquiet quant à la renégociation de l’Aléna. Le Canada ne subit pas les foudres du président Trump, du moins pour l’instant, probablement parce que celui-ci reconnait que le déficit commercial des États-Unis avec le Canada n’est pas très important et qu’il provient principalement du pétrole. « Il serait étonnant que les américains veulent réduire leurs importations de pétrole », dit-il.
Inquiet quant aux modèles prévisionnels
Les modèles de la Banque du Canada servant à établir les prévisions économiques semblent aussi être source d’inquiétude pour le gouverneur Poloz.
On sait l’importance qu’ont prise les banques centrales dans la gestion de la crise économique de 2008-09. Mais les modèles sur lesquels repose la prise de décision sont-ils aussi efficaces qu’on le croit.
Le gouverneur Poloz a émis des inquiétudes à ce sujet lors de sa conférence en Alberta. Il a laissé entendre que les modèles servant à formuler les prévisions économiques de l’institution n’ont pas fonctionné efficacement depuis la crise. Les prévisions quant à l’inflation et à d’autres indicateurs ont souvent raté la cible, admet-il.
Et il ajoute que la banque centrale mettra toutes ses ressources à contribution afin d’améliorer les outils au cours des prochaines années.
En période de grande incertitude, la prise de décision est loin d’être une science exacte, et elle doit faire appel au jugement, explique le gouverneur. Cela devient autant de l’art que de la science.
Il ne faut pas trop se surprendre de ces propos du gouverneur quant à la fiabilité des modèles, explique Ismaël Chiadmi, économiste et directeur de l’analyse quantitative chez Montrusco Bolton. L’environnement a changé, et certaines variables doivent être modifiées. « L’art, c’est de trouver maintenant les bonnes variables », dit-il.
La Banque du Canada utilise des méga-modèles, explique François Dupuis, économiste en chef chez Desjardins. Et nous vivons une époque où il y a de nombreuses cassures entre les liens économiques. « Lorsque les chocs sont trop grands, les modèles ne les captent pas », dit-il.
Il cite par exemple les taux d’intérêt très bas. Des taux d’intérêt à 0,5 % sont généralement associés à des périodes de récession. Si ce n’est pas le cas, les relations entre les différentes variables du modèle peuvent ne pas fonctionner aussi bien, selon lui.
Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas utiliser ces outils. « Les modèles fournissent une aide précieuse, mais le jugement de l’utilisateur est aussi très important », dit-il.