L’écart entre les riches et le commun des mortels se creuse à un rythme accéléré depuis le début de la pandémie, selon un rapport de l’organisme Oxfam, publié dimanche, qui demande de freiner la tendance en augmentant l’impôt des plus fortunés et des entreprises.
Depuis 2020, les personnes faisant partie de la tranche des 1% les plus fortunés ont accumulé près du deux tiers de la création de richesse mondiale, souligne l’organisme. Si cette tendance n’est pas nouvelle, elle s’est grandement accélérée dans les deux dernières années, déplore l’analyste politique chez Oxfam-Québec, Léa Pelletier-Marcotte, en entrevue. « Dans les dix dernières années, on parlait d’un accaparement de 50. »
Le fossé se creuse à un moment où les crises s’accumulent : la pandémie, la flambée des prix des denrées alimentaires, la guerre en Ukraine et les bouleversements climatiques. « Alors qu’il y a une accélération de l’accumulation de richesse par les plus riches du monde, on vit aussi dans une situation où de plus en plus de personnes ont de la difficulté à se chauffer et à se nourrir. »
Pour illustrer le clivage, Oxfam rapporte que l’actif des milliardaires a augmenté de 2,7 milliards de dollars américains (G$ US) par jour tandis que les salaires de 1,7 milliard de personnes n’ont pas suivi le rythme de l’inflation.
La pandémie a aussi amené un recul de la lutte à l’extrême pauvreté. Malgré l’accroissement des inégalités, l’extrême pauvreté avait enregistré un déclin constant depuis 25 ans.
En 2020, 70 millions de personnes sont tombées en situation d’extrême pauvreté (vivre avec moins de 2,15$ par jour). Cela représente une augmentation de 11%.
La situation s’est améliorée en 2021, mais la hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation représente un obstacle à l’enrayement de l’extrême précarité. « Les plus riches deviennent encore plus riches, dénonce Mme Pelletier-Marcotte. Ils deviennent des séraphins alors que de plus en plus de personnes sombrent dans la pauvreté. »
Le Canada n’échappe pas à cette tendance mondiale, ajoute Mme Pelletier-Marcotte. L’actif des milliardaires canadiens a augmenté de 51% entre le début de la pandémie et novembre 2022. Au même moment, la précarité gagne du terrain. L’achalandage des banques alimentaires au Québec a augmenté de 20% en un an, selon le Bilan-faim 2022 produit par Les banques alimentaires du Québec.
Un impôt sur les fortunes
Le remède aux inégalités de richesse passe par une augmentation de la contribution fiscale des plus fortunés et des grandes entreprises, plaide Oxfam, qui fait circuler une pétition à cet égard. Par exemple, un impôt annuel de 5% sur l’actif des multimillionnaires et des milliardaires rapporterait 1700 G$ US. « Ça pourrait suffire pour sortir 2 milliards de personnes de la pauvreté », commente Mme Pelletier-Marcotte.
Une plus grande imposition des grandes fortunes au Canada apporterait également de nouveaux revenus pour bonifier les services publics, croit l’analyste politique.
Oxfam propose un impôt de 2% sur la fortune des millionnaires, de 3% pour ceux qui possèdent plus de 50 millions de dollars (M$) et de 5% pour les milliardaires. Cet impôt supplémentaire permettrait de récolter 49,6 G$ de revenus fiscaux annuellement, estime l’organisme. « Ça, c’est assez pour augmenter de plus de 50% les dépenses en éducation à travers le pays et pour hausser de plus de 800% le budget canadien de l’aide publique au développement », illustre Mme Pelletier-Marcotte.
Avec cette proposition, Mme Pelletier-Marcotte précise que le chapitre québécois d’Oxfam ne vise pas les ménages qui ont accumulé un actif d’un million grâce à l’augmentation de la valeur de leur propriété ou les agriculteurs, mais bien les ultrariches.
Au Canada, il faut enregistrer des revenus annuels de 512 00$ ou avoir un actif de 9 M$ pour faire partie du 1%, nuance l’analyste politique. « Nous, à Oxfam-Québec, quand on parle du 1%, ce n’est pas la personne qui cumule un million de fortunes. C’est surtout les plus riches au Canada et au Québec, qu’on pense qu’il est urgent de taxer davantage. »