L’inflation remonte, mais reste modérée pour l’instant, comme le souhaite la Fed.
La hausse des prix est favorable, en principe, aux revenus et aux bénéfices des entreprises, d’où la réputation de rempart des actions contre les ravages de l’inflation sur le pouvoir d’achat à long terme.
«En principe», car il faut bien sûr que les revenus des sociétés augmentent plus vite que leurs coûts. Sinon, les marges se contracteront.
Or, les prix de plusieurs matériaux, dont le pétrole, le bois et l’aluminium -, les salaires dans la construction, les tarifs de camionnage, les loyers, l’assurance-santé et une foule d’autres coûts augmentent, au moment où les indicateurs de croissance perdent de leur élan.
Ce dilemme fige les investisseurs malgré la croissance de 17 à 20% des profits attendue au premier trimestre, la hausse la plus robuste en sept ans.
Les résultats éclatants proviennent en bonne partie de la réforme des impôts, mais les investisseurs se projettent vers l’avant et se demandent déjà si la hausse prévue de 11% des bénéfices l’an prochain est à risque.
Le S&P 500 a en effet fléchi de 0,3% le 13 avril malgré les bons résultats dévoilés par les trois plus grands ténors du secteur financier Wells Fargo, JP Morgan & Co. et Citigroup qui ouvrent le bal de la saison ses résultats.
Le volume a aussi été de 17% inférieur à sa moyenne du dernier mois.
Bond du pétrole: signe de croissance ou un futur ralentisseur?
Il faut dire que l’actualité quotidienne fournit bien des raisons aux investisseurs de rester sur leurs gardes, que ça soit le conflit commercial entre la Chine et les États-Unis, les frappes potentielles américaines en Syrie, les sanctions contre la Russie, la réglementation potentielle des titans de la technologie, etc.
Le bond de 28,5% du baril de pétrole Brent depuis un an est bien accueilli par les négociateurs qui avaient misé comme jamais sur le secteur de l’énergie, mais la plus récente poussée de l’or noir provient davantage de menaces géopolitiques que de la hausse de la demande.
L’appréciation du pétrole est généralement associée aux paris de croissance, mais elle peut aussi devenir un ralentisseur économique si la hausse refroidissait l’humeur dépensière des entreprises et des consommateurs.
Ce débat entre l’effet inflationniste et déflationniste du carburant sur l’économie continuera à faire jaser stratèges et économistes encore bien longtemps et de hanter les marchés périodiquement.
Bond soudain de la corrélation entre les titres
Après être tombée à 9% en janvier, au moment où la réforme des impôts dispersait les gagnants et les perdants, le degré de corrélation entre les titres du S&P 500 a grimpé à 53% le 13 avril, signe que les préoccupations d’ordre macroéconomique ont repris le dessus sur les mérites de chaque société.
Un saut de cette amplitude, soit 43 points, est inégalé depuis 1987.
Chez Goldman Sachs, le stratège David Kostin, n’y voit rien de menaçant pour l’instant parce que les deux replis de 10% du S&P 500 depuis le début de l’année proviennent surtout d’une contraction des multiples et non d’une détérioration des bénéfices.
Kostin s’attend donc à ce que le degré de corrélation revienne à la normale, après ce nouvel épisode de doute macro-économique.
En revanche, si la corrélation élevée persistait ou même s’accentuait, on pourrait alors s’attendre à ce que la volatilité grimpe à nouveau.
Chez Société Générale, un courtier au penchant pessimiste, Olivier Korber prévient ses clients que les deux replis successifs de fin janvier et du début d’avril signalent probablement un retour en force de la volatilité.
Ce n’est pas de bon augure puisque les pointes de volatilité tendent à se regrouper. Les secousses de janvier et d’avril risquent bien de provoquer d’autres répliques pendant l’été, craint-il.
Un irréductible optimiste persiste et signe
Les optimistes, tels que l’économiste Ed Yardeni, répètent que la volatilité accrue est normale à la dixième année d’un marché haussier et à la fin d’un cycle économique.
Les deux plus récents mouvements de repli s’ajoutent aux 60 autres «paniques» qui ont secoué les marchés pendant la hausse de 300% en 108 mois.
Tant que l’économie mondiale et que les profits seront au rendez-vous, ce qu’il prédit, le stratège reste confiant que le marché haussier puisse se prolonger.
Son cours-cible de 3100 pour le S&P 500 entrevoit un généreux regain de 16% d’ici la fin de l’année.
Le principal risque à son scénario serait que l’inflation prenne racine et propulse les taux beaucoup plus haut que les marchés ne l’escomptent.
«Les récessions sont dramatiques et douloureuses, mais elles sont de courte durée. Par contre, les cycles d’inflation s’étirent en longueur. Des conflits armés et commerciaux sabotent aussi les bienfaits de la mondialisation qui tire les prix vers le bas», explique-t-il, en ajoutant qu’il a bon espoir que l’administration Trump évitera ces deux calamités.
À son avis, le marché haussier reprendra son cours, encore une fois, dès que les investisseurs réaliseront que leurs pires craintes ne se matérialiseront pas, dit-il, dans une entrevue accordée à ValueWalk.
Le camp des optimistes avance d’autres arguments dont le retour de l’évaluation du S&P 500 à sa moyenne à long terme de 16,1 les bénéfices prévus, la capacité de cet indice à se maintenir au-dessus de sa moyenne mobile de 200 jours, le rebond du pessimisme manifesté par les investisseurs individuels, l’encaisse élevée conservée par les pros et les conditions de crédit encore favorables.
Vinay Pande, de UBS s’attend même à un nouveau sommet d’ici six mois. Le chef des stratégies pour les négociateurs se fie à la période de sept mois en moyenne qu’il a fallu au S&P 500 pour récupérer ses pertes lors des cinq dernières corrections.
«Les spasmes géopolitiques et politiques sont généralement éphémères. En revanche lorsqu’ils deviennent de vrais enjeux, leur impact est majeur», évoque-t-il.