Les libéraux fédéraux ont dévoilé vendredi leur plan pour résoudre la crise du logement. Celui-ci comprend de nouveaux incitatifs fiscaux, plus d’un milliard de dollars pour les sans-abri et un effort à l’échelle nationale pour construire davantage de logements sur les terres publiques.
Le document de 28 pages, rendu public quelques jours avant le budget fédéral, est la dernière tentative du gouvernement minoritaire du premier ministre Justin Trudeau pour établir un programme en matière d’abordabilité, alors qu’il perd beaucoup de terrain face aux conservateurs sur les questions du coût de la vie.
Avec son plan qu’il qualifie d’« appel à l’action », le Parti libéral envoie également un message aux provinces, aux territoires et aux municipalités, qui devront eux aussi intensifier leurs efforts.
« Il est impossible qu’un seul ordre de gouvernement résolve à lui seul la crise nationale du logement », a déclaré le ministre du Logement, Sean Fraser, lors d’une entrevue.
« Mais si nous travaillons ensemble et adoptons des politiques qui nous aideront à atteindre notre objectif, je sais que nous pouvons accomplir cette importante tâche », a-t-il affirmé.
Le plan des libéraux promet de s’attaquer à l’éventail des défis liés à l’abordabilité du logement auxquels les Canadiens sont confrontés, dont l’accession à la propriété, la montée en flèche des coûts de location et l’itinérance.
Une série de nouvelles mesures
Bien qu’une grande partie du plan ait été annoncée lors de la tournée prébudgétaire du gouvernement ou même avant, plusieurs nouvelles mesures sont présentées dans le document, notamment des incitatifs fiscaux élargis pour la construction de logements.
Le gouvernement fédéral a l’intention d’augmenter de 4 à 10 % le taux de déduction pour amortissement pour les appartements, ce qui augmentera le montant que les constructeurs peuvent déduire de leurs impôts.
Il étend également l’exonération de la TPS sur les locations aux résidences étudiantes construites par les universités, les collèges et les autorités scolaires publiques.
Le plan prévoit également davantage d’argent pour lutter contre l’itinérance, alors que les communautés à travers le pays sont aux prises avec des campements et des espaces d’hébergement limités.
Le gouvernement libéral bonifie le programme « Vers un chez-soi », une initiative fédérale pour les sans-abri, avec un milliard de dollars supplémentaires sur quatre ans. De plus, 250 millions de dollars supplémentaires sont alloués pour aider les communautés à mettre fin aux campements et à assurer la transition des personnes vers un logement. Le gouvernement fédéral demande aux provinces et aux territoires d’égaler ce montant.
Les libéraux promettent également un « changement historique » dans la façon dont le gouvernement utilise les terres publiques pour construire des logements, ce qui impliquera de rendre plus de terrains disponibles pour la construction de maisons et de louer des terrains plutôt que de les vendre.
Ils veulent également empêcher les grands investisseurs d’acheter des maisons unifamiliales existantes.
D’autres éléments du plan comprennent la formation de travailleurs qualifiés, la facilitation de la reconnaissance des titres de compétences étrangers et l’augmentation de la productivité dans le secteur de la construction. Ces mesures devraient accélérer le processus de construction de logements.
La mise en œuvre du plan de logement des libéraux dépendra en partie de la coopération des provinces et des territoires, dont certains ont déjà repoussé le gouvernement fédéral en raison de ce qu’ils considèrent comme un excès de compétence.
Le Québec, la Saskatchewan, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick étaient mécontents de la décision d’Ottawa de subordonner l’accès aux nouveaux fonds d’infrastructure à un ensemble de conditions, notamment la légalisation des quadruplex.
Sean Fraser a cependant rejeté ces critiques, arguant que les Canadiens veulent simplement que leurs problèmes soient résolus.
« Quand des gens viennent frapper à la porte de mon bureau de circonscription et qu’ils ont un problème, la dernière chose qu’ils veulent entendre, c’est que ce n’est pas ma responsabilité de les aider », a-t-il déclaré.
« Donc, de mon point de vue, il était important que nous fassions ce que nous pouvons pour relever le défi et démontrer aux Canadiens que même là où il pouvait y avoir des obstacles techniques en matière de juridiction, cela ne nous donnerait pas une raison de faire autre chose que du mieux que nous pouvons », a ajouté Sean Fraser.
Alors que les libéraux vendent avec vigueur leur plan de logement, la réussite des Canadiens dépendra de leur confiance dans la capacité du gouvernement actuel à résoudre leurs problèmes.
Les conservateurs sceptiques
Les conservateurs fédéraux, en avance dans les sondages depuis l’été, semblent avoir réussi à convaincre un large contingent d’électeurs que les libéraux ne font qu’aggraver les problèmes du coût de la vie.
À la suite des récentes annonces du gouvernement en matière de logement, les conservateurs les ont rejetées, arguant qu’injecter plus d’argent dans la « bureaucratie gouvernementale » ne résoudra pas la crise du logement.
« Trudeau est au pouvoir depuis huit ans et il fait des annonces comme celle-là depuis 2015. Quels sont les résultats ? » a lancé le chef conservateur Pierre Poilievre lors d’une récente entrevue avec les médias.
Sean Fraser a reconnu que les conservateurs ont réussi à capter l’attention des Canadiens sur le logement, mais il a affirmé que leurs solutions ne suffisent pas à répondre aux besoins.
« Je pense qu’il est dangereux que les politiciens cherchent à s’attaquer aux angoisses très réelles des gens sans rien faire pour les aider. Cela me fait comprendre que cela est davantage motivé par leur appétit de s’emparer du pouvoir que par le fait d’aider réellement les gens en difficulté. »
De son côté, Pierre Poilievre a soutenu que le gouvernement devrait laisser les promoteurs construire davantage de logements.
Le plan de logement proposé se concentre essentiellement sur l’obligation pour les villes d’augmenter la construction de logements de 15 % chaque année pour recevoir leurs dépenses d’infrastructure habituelles, sous peine de voir leur financement retenu. Ceux qui construisent plus que l’objectif seraient admissibles à des primes.
Le Bloc québécois a également exprimé des réserves. « Ottawa semble enfin prendre au sérieux la crise du logement, mais il s’y prend de la mauvaise façon en s’ingérant grossièrement dans les compétences du Québec et des provinces pour la majorité de ses mesures », a indiqué Gabriel Ste-Marie, porte-parole du parti en matière de Finances, dans un communiqué.
« L’ingérence d’Ottawa crée des dédoublements de programmes déjà existants au Québec, ce qui coûte plus cher et provoque une lourdeur administrative qui retarde la réalisation des projets de construction dont le manque est criant, a souligné le député de Joliette. Ottawa devra s’asseoir rapidement avec Québec afin de lui transférer les sommes dédiées au logement à la hauteur de sa représentativité, et ce, sans conditions. »