Le directeur parlementaire du budget tempère les espoirs du gouvernement libéral quant aux impacts de son plus récent plan de dépenses sur l’économie: la hausse prévue des taux d’intérêt devrait atténuer « l’effet stimulant » des mesures du budget fédéral de 2021, estime le bureau d’Yves Giroux.
Les libéraux soutiennent que leur plan budgétaire, dévoilé en avril et actuellement examiné par les parlementaires, créerait des milliers d’emplois et sortirait le pays du gouffre économique creusé par la pandémie. Les conservateurs estiment quant à eux que les effets ne seront pas aussi larges que les libéraux le prétendent. Ils rappellent les avertissements du directeur parlementaire du budget lui-même, selon lesquels la hausse des pressions sur les prix à la consommation et l’augmentation prévue des taux d’intérêt pourraient faire grimper les coûts à Ottawa.
Compte tenu de cette hausse prévue des taux, le directeur parlementaire du budget estime désormais que le budget pourrait faire augmenter la croissance économique cette année de 0,6 point de pourcentage au-dessus de ce qu’il avait précédemment prévu, grâce aux dépenses des consommateurs et aux investissements résidentiels et commerciaux.
Dans un rapport publié jeudi, le DPB estime également que les mesures du budget libéral ajouteront 89 000 nouveaux emplois nets d’ici la fin de 2025, par rapport aux estimations du bureau avant le dévoilement du budget de Chrystia Freeland, le 19 avril.
Alors que l’économie se redresse, le DPB s’attend à ce que la Banque du Canada relève d’ici la fin de 2022 son taux directeur, qui est à 0,25 % depuis mars 2020, au tout début de la pandémie. Le bureau de Yves Giroux prévoit que la banque centrale augmentera le taux d’un demi-point de pourcentage au deuxième semestre de 2022, puis encore d’un demi-point par année jusqu’en 2025, où il atteindrait 2,25 %.
Ces hausses des taux d’intérêt, qui affecteront les prêts hypothécaires et les prêts aux entreprises, atténueront « l’effet stimulant » des mesures du budget fédéral de 2021, estime le DPB, ce qui signifie que les revenus du gouvernement n’obtiendront pas la poussée suffisante pour payer ces mesures. Une hausse des taux signifiera aussi une augmentation du coût lié au service de la dette fédérale.
Le rapport du DPB estime que les déficits fédéraux au cours des cinq prochaines années dépasseront au total de 117,1 (G$) ses prévisions prébudgétaires. Selon le DPB, cela laisse entendre que seule une partie de près de 140 G$ de nouvelles dépenses contenues dans le budget de 2021 sera compensée par l’augmentation de l’activité économique au pays.
Alors que le budget libéral estimait le déficit à 354,2 G$ au cours du dernier exercice, Yves Giroux croit que ce chiffre atteindra plutôt 370,9 milliards $, en raison des dépenses sans précédent engagées pour contrer les impacts financiers de la COVID-19.
Chrystia Freeland, et son projet de loi
Le rapport du DPB est publié quelques heures après que la ministre Freeland a défendu vigoureusement son plan de dépenses. Questionnée pendant des heures par les partis d’opposition aux Communes, mercredi soir. Chrystia Freeland, a soutenu que ce budget était un investissement important pour la croissance à long terme du pays. Elle soulignait en particulier la promesse d’un système national de garderies qui vise à aider les parents, en particulier les femmes, à mieux intégrer le marché du travail. La ministre doit comparaître jeudi devant un comité sénatorial sur son projet de loi de mise en oeuvre du budget libéral.
Le porte-parole conservateur en matière de finances, Ed Fast, a déclaré jeudi que le rapport de Yves Giroux vient étayer la thèse de son parti au sujet de l’augmentation de la dette et du risque financier découlant de la frénésie de dépenses des libéraux.
« Le budget libéral a complètement raté la cible des chiffres clés sur les revenus, la dette, le déficit et le coût pour les Canadiens de la dette libérale », a déclaré Ed Fast. « Il est clair que les Canadiens ne peuvent pas se permettre davantage de cette médecine des libéraux de Trudeau. »
Le gouvernement libéral a de son côté déposé jeudi en Chambre des prévisions de dépenses actualisées pour l’exercice en cours, qui a débuté en avril. Les documents font état de 41,2 G$ de nouvelles dépenses, dont 24 G$ devront être approuvés par les députés.
Parmi les mesures prises en compte dans les documents, on note un complément budgétaire de 1,5 G$ pour aider les municipalités à construire rapidement des logements abordables, et un montant similaire pour l’Agence de la santé publique du Canada pour la recherche médicale et le développement de vaccins contre la COVID-19.
On voit aussi une enveloppe de 1,7 G$ pour des prestations uniques de 500 $, cet été, aux aînés de 75 ans et plus qui reçoivent la pension de la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti. Les bloquistes et les néo-démocrates ont fait pression pour que ces paiements forfaitaires soient étendus à tous les bénéficiaires de la pension de vieillesse.