La baisse d’impôt promise par le gouvernement Legault désavantage les moins nantis, déplore un rapport de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) qui recommande plutôt d’allouer cet argent dans les services publics.
La baisse promise représenterait une économie d’impôt de 814 $ pour les contribuables gagnant un revenu annuel supérieur à 100 000 $, souligne l’organisme de réflexion de gauche. L’économie est de 378 $ pour un contribuable faisant 55 000 $.
Près de 35 % de la population québécoise ne gagnera pas suffisamment de revenus pour profiter de l’allègement fiscal. « Ce serait une baisse d’impôt inéquitable, car elle favoriserait surtout les contribuables avec des revenus plus élevés », déplore le chercheur Guillaume Hébert, en entrevue.
Le gouvernement Legault a promis de réduire d’un point de pourcentage le taux d’imposition des deux premiers paliers. La mesure fiscale de près de 2 milliards de dollars (G$) sera financée en réduisant les versements au Fonds des générations.
Guillaume Hébert est d’accord avec l’idée de revoir les versements au Fonds des générations qu’il compare à « une camisole de force » qui « cache » les surplus budgétaires afin de limiter les dépenses gouvernementales, selon lui.
L’argent alloué aux baisses d’impôt devrait plutôt servir à financer les services publics comme l’éducation et la santé, selon l’IRIS. Son chercheur donne en exemple le manque de personnel dans les établissements de santé, les besoins dans le secteur des services à domicile pour les aînés ou le manque de place en centre de la petite enfance (CPE). « Les services publics sont déjà en mauvais état. »
Dans un contexte de rareté de la main-d’œuvre, le chercheur ne pense pas que ces dépenses supplémentaires représenteraient un coup d’épée dans l’eau.
« La rareté de la main-d’œuvre, c’est souvent une rareté au prix que les employeurs voudraient payer ».
« Quand on valorise suffisamment les emplois, quand on a des milieux de travail qui sont attirants, qui ne font pas mettre en « burn-out » un pourcentage tout à fait exagéré du personnel, on est capable d’avoir des gens et de les retenir [les employés du secteur public] », ajoute-t-il.
Une promesse critiquée
La baisse d’impôt promise ne fait pas l’unanimité et ses détracteurs ont fait plusieurs sorties publiques à l’approche du prochain budget provincial, qui devrait confirmer son adoption le 21 mars prochain.
Pour des raisons parfois différentes, des économistes, des groupes de la société civile et des syndicats ont demandé au ministre des Finances, Eric Girard, de renoncer à la promesse électorale de la Coalition avenir Québec (CAQ). Certains plaident en faveur d’un investissement supplémentaire dans les services publics, d’autres aimeraient qu’on maintienne les versements au Fonds des générations pour continuer la réduction de la dette publique.
L’allègement fiscal compte aussi ses défenseurs. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) avait fait une sortie publique pour inciter le gouvernement à respecter sa promesse électorale. « On parle d’équité intergénérationnelle, mais assurer un fardeau fiscal plus avantageux pour les jeunes, c’est aussi de l’équité intergénérationnelle, avait dit en entrevue son vice-président pour le Québec, François Vincent. Qu’on reste les plus taxés n’est pas nécessairement la meilleure chose. »
Plus taxé qu’en Ontario?
Le ministre Girard avait défendu la baisse d’impôt prévue, en soulignant que la classe moyenne québécoise était plus imposée qu’en Ontario. « Ce n’est pas quelqu’un qui gagne 300 000 $ qui paie plus d’impôt qu’en Ontario, toute proportion gardée. C’est à 70 000 $ de revenus que vous payez 36 % plus d’impôt au Québec qu’en Ontario », avait-il dit lors d’une conférence devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, en décembre.
La comparaison avec l’impôt des autres provinces ne donne pas un portrait d’ensemble, juge Guillaume Hébert. « Il faut faire attention avant de dire que les Québécois sont les plus imposés en Amérique du Nord. »
La situation de chaque ménage aura un impact sur son taux d’imposition réel lorsqu’on tient compte des transferts aux familles, par exemple.
« Il faut regarder différents types de ménages pour voir comment leur taux d’imposition évolue. Il faut regarder aussi les prestations que reçoivent les gens, notamment les familles. »
« On constate que pour une mère monoparentale ou une famille qui a des revenus moyens avec deux enfants, le taux d’imposition chute dramatiquement et place le Québec parmi les endroits où c’est le plus avantageux, où l’impôt est le moins lourd. »