« Au Canada, on pense souvent, à tort, que les personnes à hauts revenus ne paient pas leur part d’impôts et que l’augmentation des impôts sur ce groupe de revenus est un moyen efficace de générer des recettes fiscales additionnelles », affirme une étude de l’Institut Fraser d’octobre 2022.
Tout cela est faux, juge l’étude. La part de taxes que payent les familles à plus haut revenu (supérieur à 227 486$) dépasse largement la part totale des revenus que ces mêmes familles gagnent.
L’étude retient la notion d’impôt familial plutôt que celle d’impôt individuel, donnant un exemple révélateur pour justifier son choix. Une personne qui gagne par année 30 000$ serait d’emblée classée dans la catégorie des plus bas revenus, mais si cette personne est mariée à un individu qui gagne 200 000$, cela la hausse aussitôt dans le groupe des 20% de revenus supérieurs.
Part d’impôt supérieure à la part de revenus
Ainsi, l’étude indique que les familles dans ce registre supérieur de 20% payent une part de 61,4% des impôts au Canada, alors qu’elles récoltent une part de 44,6% des revenus totaux. C’est la seule catégorie de revenu qui paye plus qu’elle ne récolte. Les premiers 20% des revenus (inférieurs à 56,5 K$) recueillent 5,2% des revenus totaux, mais payent seulement 0,8% des impôts totaux. Les parts des autres quintiles s’établissent ainsi : Q2 (56 K$ à 98,6 K$) : 10,4% des revenus, 4,7% des impôts; Q3 (98,6 K$ à 149 K$) : 16% et 14,3%; Q4 (149 K$ à 227,5 K$) : 23,7% et 21,7%.
Quand on considère la charge complète des taxes diverses qui s’ajoutent à l’impôt (taxes de vente, taxes sur les profits, taxes immobilières, etc.), la part totale assumée par les plus fortunés baisse à 53%, alors que la part des revenus gagnés demeure évidemment la même à 44,6%. « La première raison qui explique cet écart plus faible tient au fait que l’impôt des particuliers est beaucoup plus progressif que les autres taxes canadiennes », explique l’étude.
Hausses d’impôt contreproductives
Selon l’Institut, en considérant que les plus fortunés assument la part du lion des impôts, il serait contreproductif de chercher à hausser leur charge fiscale pour plusieurs raisons. Tout d’abord, des hausses d’impôt rendraient le Canada moins compétitif, surtout face à son voisin américain immédiat, d’autant plus qu’il affiche déjà le septième taux d’impôt personnel combiné le plus élevé parmi les 36 membres de l’OCDE.
Ensuite, les revenus d’une hausse d’impôt seraient sans doute substantiellement moindres qu’anticipés. Une étude historique au Canada a trouvé qu’une hausse d’impôt d’un point de pourcentage est finalement associée à une réduction de la masse imposable d’un demi-point de pourcentage. De plus, le léger supplément de revenu fiscal recueilli par le gouvernement ne dure que neuf ans. « Au-delà de 9 ans, l’étude a trouvé que le gouvernement a récolté moins de revenu fiscal que s’il n’y avait eu aucun changement d’impôt, » note l’étude de l’Institut Fraser.
L’Institut explique cet écart entre revenus anticipés et revenus réels par les comportements d’évitement ou d’évasion fiscal auxquels les plus fortunés ont les moyens de s’adonner face à toute hausse d’impôt : transfert de salaire vers d’autres formes de revenus et bénéfices, planification fiscale, déplacement de revenus vers d’autres juridictions fiscales.
« Il est bon de se rappeler qu’après la Seconde Guerre mondiale, le taux d’impôt sur les plus riches était de 90%, dit David Macdonald, économiste senior au Centre canadien de politiques alternatives. Les gouvernements font déjà plus que ce que réclame l’Institut Fraser. »
David Macdonald est d’accord avec l’Institut que des hausses d’impôt sont contreproductives par l’incitation à l’évitement et à l’évasion fiscale qu’elles peuvent provoquer. Selon lui, la solution pour hausser les revenus des plus riches passe par la fermeture des diverses échappatoires fiscales qui perdurent.
L’impôt des ultra-riches
La part d’impôt qu’assument les 20% plus riches est un sujet moins contesté que celui qui concerne la part des 1% ultra-riches, reconnaît Jake Fuss, co-auteur de l’étude et directeur associé des études fiscales à l’Institut. Or, une étude de l’Institut de 2017, dit-il, « a trouvé que la part d’impôt payée par le 1% de familles plus fortunées, soit 17,9%, était largement plus grande que leur part de 10,7% des revenus totaux. »
L’Institut s’est également penché sur l’aspect punitif de la progressivité fiscale, ce à quoi on réfère comme étant le taux effectif marginal moyen (TEMM). Il apparaît que, dans le passage de chaque tranche de revenu de 50 000$, ce TEMM impose un fardeau supplémentaire se situant entre 40% et 45%. Le niveau le plus élevé de tous se trouve au Québec dans le passage d’un niveau de revenu de 150 000$ à 200 000$.
Par contre, c’est le groupe de revenu faible à moyen entre 30 000$ et 60 000$ qui est le plus puni par le TEMM. Dans toutes les provinces, le choc fiscal se situe entre 40% et 48%, le Québec emportant la palme avec un taux effectif de 53%. « Des taux aussi élevés constituent une réelle préoccupation, écrit l’étude, car ils diminuent le rendement net d’impôt d’un travail rémunéré et réduisent l’incitation des individus à chercher des revenus supplémentaires, créant ainsi un obstacle potentiel à l’avancement socio-économique. »