Le fondement de l’argumentation de M. Carr au sujet de l’inflation, ce croquemitaine des marchés à revenu fixe, tourne essentiellement autour du fait qu’il est extrêmement difficile de mettre en place des politiques qui ont servi à mener une campagne électorale. « C’est une chose d’avoir tout un tas de projets pour sa campagne. C’en est une autre de les faire adopter par le Congrès », dit M. Carr, gestionnaire principal du Fonds d’occasions de rendement Manuvie (1,1 milliard de dollars d’actifs sous gestion).
« Nous réalisons que les Républicains dominent le Sénat et la Chambre des représentants, et dans une certaine mesure ça aidera M. Trump quand il commencera à faire exécuter ses politiques, ajoute M. Carr. Mais ces programmes paraissent être protectionnismes et hostiles au libre-échange, et ils pourraient conduire à un énorme déficit budgétaire à la suite de fortes réductions d’impôts et de grosses dépenses d’infrastructure. Il est plus probable que les Républicains réagiront par des coupures budgétaires afin de pallier ses propositions. »
M. Carr prévoit que le gouvernement Trump rencontrera une multitude de défis alors qu’il tentera d’affecter des fonds aux aéroports et aux routes tout en réduisant les impôts des particuliers et des entreprises. « Les Républicains ont été réticents à encourir des déficits trop élevés et en ont critiqué les Démocrates. M. Trump rencontrera une résistance au sein de son propre parti », dit M. Carr, un vétéran de 32 ans de l’industrie qui est revenu en 2002 à la Manuvie où il avait précédemment travaillé, après des séjours à Canada-Vie, la Banque Royale du Canada et la société de gestion de fonds de couverture newyorkaise Lucerne Partners.
L’inflation est légèrement inférieure à 2 %, et le chômage est à 4,6 %. « La dernière fois qu’on se trouvait à ces niveaux remonte à mars 2007, où le chômage était à 4,5 %. Pour remettre tout cela en perspective, au sommet de la crise financière, il était à 9,9 %, donc nous en sommes à la moitié de ce sommet, dit M. Carr. Alors que l’on essaie de stimuler l’économie avec des réductions fiscales et d’autres mesures de ce type, la population active connaît en fait le plein emploi, ce qui fait certainement pression sur les salaires. »
Ramener la production au pays, un autre élément clé de la campagne de M. Trump, signifie que les sociétés américaines devront payer des salaires plus importants que quand elles ont recours aux usines mexicaines par exemple. « Cela occasionnera des pressions à la hausse sur les marchandises fabriquées aux États-Unis qui auparavant étaient fabriquées à l’étranger. Il s’agit d’une autre source d’inflation. » Parallèlement, les réductions fiscales injecteront plus d’argent dans le système, ce qui chassera un nombre fixe de biens. « Cela pourrait finir par créer des pressions inflationnistes. À mesure que les gens dépensent leur argent, le prix des biens et des services commence à augmenter. »
Si certains de ces facteurs se confirment, M. Carr pense que l’inflation sera susceptible d’augmenter pour atteindre un peu plus de 2 %. « Cela n’alarmera pas trop la Réserve fédérale à court terme. Mais dans une perspective de deux à quatre ans, je vois des problèmes surgir en cas d’une nouvelle baisse de l’inflation. »
La hausse des prix finit par freiner la demande, dit M. Carr. Si les automobiles coûtent plus cher, on en vendra moins. « Et on finit par licencier du personnel si les automobiles ne se vendent plus. » Vers la fin du mandat de M. Trump, M. Carr pense que l’inflation s’apaisera et que le chômage augmentera légèrement. « Le mouvement de mondialisation est bien ancré. Et l’automatisation a entraîné une réduction du capital humain et un déploiement accru de la technologie. »
Les marchés obligataires ont subi une vente massive en novembre mais qui a ralenti depuis lors, les obligations du Trésor américain à 10 ans affichant un rendement de 2,46 %, en baisse par rapport à leur sommet de 2,6 %. « Notre hypothèse de base est une augmentation jusqu’à 2,9 à 3 % environ d’ici la fin de l’année », dit M. Carr, qui partage ses responsabilités avec Richard Kos, directeur général, et Alan Wicks, directeur général principal.
Pour mettre les choses en perspective, M. Carr note que le rendement de l’indice des obligations à dix ans avait atteint 3 % à la fin de 2013. « Cela veut dire qu’il aura fallu quatre ans pour en revenir à la case départ. Nous avons eu une croissance lente, une inflation faible et une Réserve fédérale prudente. Du jamais vu et caractéristique du cycle long et lent que nous avons connu, dit M. Carr. Cela signifie aussi que les obligations de sociétés vont gagner la partie. S’il est possible d’obtenir un rendement bien meilleur que celui des obligations gouvernementales de base, on ne s’en trouvera que mieux. »
À présent, ce fonds coté 5 étoiles investit 35 % dans les obligations à rendement élevé, 19 % dans les obligations de sociétés de qualité supérieure, 7 % dans les obligations gouvernementales, 9 % dans les prêts bancaires à taux variable, 2 % dans les obligations des marchés émergents et 25 % dans les actions ordinaires. « Nous obtenons un rendement bien supérieur à celui du marché, avec une durée plus courte », dit M. Carr.
Le fonds a toute latitude d’investir entre 0 % et 100 % dans les obligations gouvernementales, jusqu’à 100 % dans les obligations de sociétés de qualité supérieure, jusqu’à 75 % dans les obligations à rendement élevé ou les prêts bancaires à taux variable, et jusqu’à 50 % dans les actions ordinaires. « Grâce à ce vaste éventail d’outils, nous pouvons jeter un regard objectif sur notre combinaison d’actifs par rapport au marché, et profiter de la volatilité, dit M. Carr. C’est la meilleure approche, compte tenu de la conjoncture actuelle et de l’incertitude de tous les scénarios possibles. »