Le directeur parlementaire du budget croit que le gouvernement libéral surestime l’impact qu’auront les dépenses fédérales de stimulation sur l’économie canadienne.
Dans son budget déposé le 19 avril, le gouvernement libéral parlait de 101,4 milliards de dollars (G$) de nouvelles dépenses sur trois ans destinées à aider le Canada à sortir de la pandémie de COVID-19. Déjà, le directeur parlementaire du budget (DPB) estime plutôt que seulement 69 G$ de ces dépenses pourraient être considérés comme de la réelle « stimulation économique ».
Par ailleurs, le bureau d’Yves Giroux estimait avant la présentation du budget que la croissance du PIB serait de 1 % l’an prochain et que 74 000 emplois seraient créés. Or, dans le budget, les libéraux estiment que leurs mesures de stimulation économique permettront d’atteindre une croissance économique de 2 % et de créer 334 000 emplois au pays.
Dans son rapport, publié mercredi, le DPB ajoute que les déficits et la dette plus élevés dans les années à venir pourraient limiter la capacité d’Ottawa de mettre en place de nouveaux programmes permanents sans réduire les dépenses ni augmenter les impôts.
Le rapport du DPB a été publié quelques heures avant que la ministre des Finances, Chrystia Freeland, n’amorce le débat en Chambre sur son projet de loi de mise en œuvre du budget, déposé vendredi dernier.
Son cabinet a réagi en expliquant que les prévisions économiques incluses dans le budget étaient basées sur un sondage mené auprès d’économistes du secteur privé. Des prévisions que le cabinet qualifie de « prudentes et responsables ».
Le gouvernement libéral minoritaire a besoin de l’appui d’au moins un des grands partis d’opposition pour ne pas être défait sur ce « vote de confiance », ce qui pourrait déclencher une campagne électorale.
Le Sénat doit aussi entreprendre son examen du projet de loi budgétaire, le mois prochain, alors que divers comités ont déjà reçu la marche à suivre.
Pour revenir aux Communes, le porte-parole conservateur en matière de finances, Ed Fast, a déclaré que les conclusions du DPB démontrent que le budget libéral est davantage un exercice politique qu’économique.
« Une grande partie des dépenses ne servent pas du tout à stimuler l’économie, a-t-il critiqué lors du débat en Chambre. À la manière libérale classique, la majorité des soi-disant stimuli sont plutôt des dépenses visant à promouvoir les intérêts politiques de ce gouvernement libéral. »
Il a ajouté que les conservateurs en profiteraient pour aider les petites entreprises et rehausser les salaires s’ils étaient au pouvoir.
Dans une sortie similaire, le chef du NPD Jagmeet Singh a élaboré l’approche que son parti adopterait à son tour s’il était au pouvoir. Selon lui, il est nécessaire de consacrer plus d’argent en santé et il faut que les plus riches, de même que les grandes entreprises profitables, contribuent davantage en payant plus d’impôt.
« C’est notre vision qui est différente de celle des libéraux », a soutenu Jagmeet Singh.
Le marché de l’emploi
Les libéraux ont tablé dans leurs prévisions de dépenses sur un rebond du marché du travail, qui a connu il y a un an une baisse historique: trois millions d’emplois ont été perdus, en mars et avril 2020, et 2,5 millions de Canadiens ont travaillé moins d’heures cette année-là.
En mars dernier, on comptait au Canada 296 000 emplois de moins qu’avant la COVID-19, en février 2020, un écart de 1,5 %; le taux de chômage a atteint un creux de 7,5 % pendant la pandémie.
Statistique Canada mettra à jour vendredi les données sur l’emploi, avec les chiffres d’avril, et les experts s’attendent à une baisse, attribuable aux nouvelles restrictions et mesures de confinement mises en vigueur ce printemps pour contrer la troisième vague de COVID-19.
Même avec une baisse des emplois en avril, le DPB s’attend toujours à ce que la population active revienne à ses niveaux prépandémiques d’ici l’année prochaine, au moment où la première tranche des fonds de relance fédéraux devrait être lancée.
« Cela renforce ce que nous avons dit à maintes reprises au cours des derniers mois: les 70 à 100 G$ pour relancer l’économie sont mal calibrés, a déclaré Yves Giroux jeudi matin, lors d’une séance d’information avec les journalistes. Ou, en d’autres termes: c’est trop d’argent sur une trop longue période, si l’objectif est de ramener les indicateurs du marché du travail à leurs niveaux d’avant la pandémie. »
Yves Giroux estime aussi que la capacité du gouvernement fédéral à gérer la prochaine crise économique pourrait être réduite par la décision des libéraux de gruger une marge de manœuvre financière élargie avec de nouvelles dépenses.