Alors que nombre d’investisseurs attendent une baisse des taux d’intérêt en 2024, celle-ci pourrait être moins marquée et plus lente qu’anticipée en raison d’un rebond de l’inflation, prévient Jean Boivin, directeur général du BlackRock Investment Institute lors d’un événement organisé par CFA Montréal, fin janvier.
Les grandes tendances économiques ont été historiquement dépendantes de la demande, toutefois, de nos jours, celles-ci dépendent davantage de la capacité de production, observe Jean Boivin. Et la capacité de production fait face à de nombreux obstacles, notamment démographiques et géopolitiques, ce qui hausse les coûts de production. Nous pouvons donc nous attendre « à des pressions inflationnistes persistantes », selon les mots de l’économiste rapportés par Avantages.
L’expert s’attend à ce que la première partie de 2024 aille de pair avec optimisme, contrôle de l’inflation et marchés à la hausse. Il pense même que l’inflation pourrait redescendre à 2 %. Toutefois, cela ne durera pas selon lui. L’inflation rebondira quand l’effet déflationniste sur le prix des biens sera complètement intégré et que l’inflation plus élevée sur le prix des services sera révélée.
Jean Boivin s’attend ainsi à ce que la Réserve fédérale ne baisse que trois fois ses taux alors que les marchés tablent sur cinq à six baisses. Il recommande donc aux gestionnaires de portefeuille de rester sur le qui-vive et de faire preuve de flexibilité.
Il recommande également aux investisseurs de ne pas s’attendre à ce « [qu’]un trop grand vent arrière [pousse] les rendements à la hausse cette année ».
Selon lui, les occasions de rendements ne seront pas dans un secteur ou une région en particulier, mises à part les actions japonaises, pour lesquelles BlackRock se montre très positif. Il estime toutefois qu’il pourrait y avoir des occasions dans le secteur de la dette privée.
Plus de risques de récession au Canada
Jimmy Jean, économiste en chef du Mouvement Desjardins, également présent lors de cet événement, continue d’anticiper pour sa part un assouplissement rapide de la politique monétaire.
La coopérative s’attend ainsi à ce que la Banque du Canada baisse à six reprises son taux directeur en 2024 et cinq autres fois en 2025. Selon Jimmy Jean, ces baisses pourraient commencer dès le mois d’avril au Canada, car la Banque du Canada a intérêt à agir rapidement si elle ne veut pas provoquer une récession plus importante avance l’expert. Les États-Unis prendront davantage de temps avant de suivre le mouvement.
Si les États-Unis semblent à l’abri d’une récession en 2024, la situation serait un peu plus sombre au Canada, selon Jimmy Jean. Il constate que les consommateurs canadiens ont une moins grande confiance en l’économie que ceux de l’autre côté de la frontière ; le PIB canadien s’est contracté au troisième trimestre de 2023, les dépenses de consommation ont stagné alors que le taux d’épargne est supérieur à ce qu’il était avant la pandémie.
« Plus de secteurs d’activité sont actuellement en contraction qu’en expansion, une situation qui mène généralement à une récession », souligne Jimmy Jean.
En 2024, on pourrait de plus s’attendre à de nombreuses faillites d’entreprise, ce qui entraînera une hausse du taux de chômage, ce qui réduira à son tour la pression sur les hausses salariales. Hormis dans le secteur du logement, Jimmy Jean s’attend donc à ce que la désinflation se poursuive cette année.
D’après lui, ce qui a permis d’éviter la récession au Canada pour le moment, c’est la forte croissance démographique canadienne, portée par l’immigration. Il estime donc que le resserrement annoncé concernant l’admission d’immigrants temporaires représente un autre vent contraire.