C’est arrivé lundi et ça a fait beaucoup jaser sur le marché du revenu fixe. Une partie de la courbe des rendements obligataire aux États-Unis s’est inversée, soit une première depuis une dizaine d’années, stimulant les craintes d’un ralentissement économique prochain.
Ainsi, lundi, le rendement des obligations du Trésor américain de 3 ans a été supérieur au rendement des obligations de 5 ans. Par exemple, le rendement des premières était de 2,84 % et celui des secondes, de 2,83 %. Cet écart d’un point de base s’est fait remarquer comme en fait foi une chronique dans Bloomberg.
Ce premier signe d’inversement de la courbe des taux de rendement inquiète étant donné que l’inversement de la courbe des taux a prédit justement l’arrivée de ralentissements économiques.
Depuis 1955, chacune des neuf récessions américaines sont survenues après l’inversement de la courbe des rendements, d’après une étude de la Réserve fédérale américaine de San Francisco de mars dernier. Le délai entre le moment de l’inversement de la courbe et le début de la récession s’est établi entre six et 24 mois. Il n’y a eu qu’une fois en près de 60 ans où l’inversement n’a pas été signe d’une récession officielle, mais seulement d’un ralentissement économique.
Il faut toutefois faire attention avant de céder à la panique. D’abord, l’écart entre les rendements de 3 ans et de 5 ans n’est pas la meilleure mesure afin de prédire un ralentissement économique.
L’écart entre les rendements des obligations du Trésor à dix ans et à trois mois est l’indicateur le plus utile pour prévoir les récessions, selon la Réserve fédérale américaine de San Francisco. Or, cet écart demeure positif, si bien qu’il n’y a pas eu d’inversion de la courbe des rendements entre ces deux échéances. Lundi, le rendement des obligations de trois mois était de 2,38 % et celui des obligations de 10 ans, de 2,98 %, soit un écart de 60 points de base, d’après le département du Trésor américain.
Au Canada, le rendement des Bons du Trésor de 3 mois était de 1,71 % le 27 novembre (dernière adjudication) et le rendement des obligations de 10 ans, de 2,24 %, lundi.
De plus, même s’il y a une corrélation entre l’inversion de la courbe des rendements et un ralentissement économique, les données économiques ne permettent pas d’identifier les causes et les effets, ce qui complique leur interprétation, d’après la Réserve fédérale américaine de San Francisco. Il ne semble donc pas y avoir de lien causal et on doit le considérer.
En outre, quel est et sera l’effet de l’assouplissement quantitatif sur la courbe des rendements obligataire ? « On pourrait soutenir que les rendements à long terme, en particulier la composante de la prime en fonction de l’échéance, sont considérablement déprimés en raison des programmes d’assouplissement quantitatif mis en place par les banques centrales du monde entier et du bilan important de la Réserve fédérale américaine », lit-on dans la lettre de Réserve fédérale américaine de San Francisco.
Selon elle, de nombreuses recherches empiriques suggèrent que l’assouplissement quantitatif a probablement des effets négatifs importants sur les taux à long terme et que certains de ces effets sont toujours présents et continuent de faire baisser la courbe des taux (Bonis, Ihrig et Wei 2017).
« Si les rendements à long terme restent faibles en raison de l’assouplissement quantitatif, et si ces effets contribuent à l’aplatissement de la courbe des rendements, mais n’augmentent pas le risque de récession, une partie de cet aplatissement peut ne pas être inquiétante du tout », lit-on dans la lettre.
Même si on peut craindre l’arrivée d’une récession, certains analystes continuent d’être optimistes, dont Tony Dwyer et Michael Welch, analystes chez Canaccord Genuity. Leur scénario principal est basé sur la direction des bénéfices par actions des entreprises, lesquels découlent de l’activité économique. Ils notent toutefois qu’il est très difficile de prédire une récession.
« Seulement une inversion de la courbe des rendements des obligations américaines de 2 ans et de 10 ans causées par une crise de crédit ferait en sorte qu’on adopterait une position significativement défensive », écrivaient-ils, dans une note envoyée à des clients.
De l’avis de plusieurs analystes, il semble probable que la courbe des rendements obligataire continue de s’aplatir pour le moment et dans un avenir rapproché. Dans un récent article de Finance et Investissement, le gestionnaire de portefeuille de BMO Gestion d’actif Alfred Lee indiquait quelques stratégies obligataires à considérer, dont celle de l’haltère, qui consiste à s’exposer aux segments situés aux extrémités de la courbe des rendements. Selon cette stratégie, comme on détient très peu d’obligations entre ces deux segments, cela ressemble à un haltère.