À la fin de 2017, la demande mondiale annuelle atteignait 4 071 tonnes, selon le World Gold Council (WGC) de Londres, après avoir atteint un sommet de 5 359 tonnes en 2013.
La joaillerie dominait, avec 52,4% de la demande totale. Venaient ensuite les produits d’investissement au détail (lingots, pièces de monnaie, fonds négociés en Bourse (FNB) appuyés sur l’or, etc.) avec une part de 30%, puis la demande industrielle (8,1%), et celle des banques centrales (9%).
Moteurs de la demande
Dans tous les secteurs, la part du lion de la demande provient désormais de pays émergents, essentiellement asiatiques. Cette prépondérance des pays émergents ne date pas d’hier. En 2003, sur une demande mondiale de 2 522 tonnes, les États-Unis accaparaient encore une part de 354 tonnes, soit 14%, qui est passée à 122 tonnes en 2017. Déjà en 2003, la Chine et l’Inde étaient les deux joueurs dominants, respectivement avec 475 et 201 tonnes, soit 27%. Cette part a bondi à 56,6% en 2017, soit 1 210 tonnes.
La primauté des pays émergents se maintient dans le secteur des produits d’investissement. Sur un total de 1 029 tonnes qui y ont été englouties, la part de l’Inde s’élève à 164 tonnes, celle de la Chine, à 306 tonnes, pour une part de 46%. En ajoutant les demandes turque et moyen-orientale, les pays émergents et « frontière » accaparent une majorité de 55%.
Certains observateurs ont attribué cet attrait marqué des pays émergents pour les produits d’investissement en or à une méfiance des citoyens à l’endroit de leurs monnaies nationales. C’est une analyse qu’appuie en partie Philip Newman, directeur chez Metals Focus, à Londres, affirmant que la forte demande, en Chine notamment, était due à plusieurs facteurs : une chute de 6% du yuan en 2016, la surchauffe du secteur immobilier, la volatilité boursière. Au milieu de tant d’incertitudes, « l’or se présente comme une option d’investissement plus sûre », dit-il.
Cependant, ces inquiétudes sont des turbulences à l’intérieur d’un tendance de fond de la part de ces pays « qui ont depuis toujours une affinité pour l’or », note Philip Newman.
« Ne pas avoir confiance en sa monnaie n’est pas suffisant (pour expliquer l’attrait de l’or) ; un facteur culturel est essentiel », ajoute Jean-Christophe Lermusiau, conseiller principal, marchés émergents, chez Hexavest, à Montréal.
Par exemple, en Inde, explique ce spécialiste, l’or revêt une valeur financière exceptionnelle. Un emprunteur peut donner ses bijoux en garantie pour obtenir un prêt hypothécaire. Les guichets de banques sont munis de pesées qui permettent d’établir le poids et la valeur de transactions dans lesquelles l’or est omniprésent.
Refaire les réserves
Entre 2008 et 2017, la part de presque tous les secteurs dans la demande d’or est restée à peu près stable ou a reculé. La différence a été absorbée par une demande inédite : celle des banques centrales des pays émergents. Jusqu’en 2009, et depuis deux décennies, les banques centrales des pays développés surtout vendaient systématiquement leur or, un sommet de 650 tonnes vendues ayant été atteint en 2005.
La crise financière de 2008 a suscité « un changement de paradigme », indique le WGC. Les banques centrales occidentales ont mis un frein à leurs ventes, et les banques de quelques pays émergents se sont mises à acheter massivement, notamment celles de Russie, de Chine et du Kazakhstan qui, en 2016, ont accaparé 80% des achats dans ce secteur. De 2009 à 2015, la moyenne annuelle de ventes était de 569 tonnes.
Selon Philip Newman, il s’agit pour certains pays de diversifier leurs réserves de change en raison de leur méfiance à l’endroit du dollar américain. C’est certainement le cas en Russie, selon une étude du WGC.
En Chine, on peut aussi déceler une tentative d’affirmer le yuan comme une monnaie de premier plan, juge Peter Hug, chef des transactions chez Kitco, à Montréal. « La Chine veut être un plus important joueur dans les marchés financiers et voir sa monnaie utilisée dans les transactions commerciales, et pour cela elle veut asseoir une bonne réserve d’or sous sa monnaie. »
Enfin, qu’en est-il de la demande industrielle, dont 80% provient de l’électronique ? Selon Metals Focus, la part des pays émergents s’élève à 38,4%, mais si on ajoute le Japon, on se retrouve avec la majeure partie de la demande provenant d’Asie, à hauteur de 67,5%.