La Banque du Canada n’a surpris presque personne lorsqu’elle a maintenu son taux d’intérêt directeur à 5 % mercredi, dans un contexte de ralentissement des données économiques. Voici ce que vous devez savoir sur cette décision, et quelle pourrait être la prochaine étape pour la banque centrale.
Pourquoi la Banque du Canada a-t-elle décidé de laisser son taux directeur inchangé?
Des données récentes, notamment des rapports sur le marché du travail, l’inflation et le produit intérieur brut (PIB), montrent que la demande excédentaire dans l’économie s’atténue, a souligné la banque centrale dans son communiqué de presse. La politique monétaire fonctionne avec un décalage, et la banque laisse donc le taux là où il se trouve parce qu’elle s’attend à ce que les effets des hausses de taux continuent de se répercuter sur l’économie, ce qui devrait la ralentir encore davantage.
« Les taux d’intérêt sont déjà à des niveaux que la banque centrale considère comme suffisamment « restrictifs » pour exercer une pression à la baisse sur la croissance économique et les pressions inflationnistes au fil du temps », a écrit Nathan Janzen, économiste en chef adjoint de la Banque Royale du Canada, dans une note analysant la décision.
L’inflation annuelle a ralenti par rapport à ses sommets d’il y a un an, s’établissant à 3,3 % en juillet. L’objectif de la banque est de 2,0 %.
Pendant ce temps, le Canada a enregistré un PIB négatif au deuxième trimestre et le taux de chômage est en hausse depuis trois mois.
Qu’est-ce que cela signifie pour le renouvellement de mon prêt hypothécaire?
N’importe quel titulaire d’un prêt hypothécaire à taux fixe a pu regarder la banque centrale hausser son taux directeur tout en continuant à payer le même taux inférieur, fixé au début de son contrat. Mais lorsque ces contrats seront renouvelés, les emprunteurs seront confrontés à des taux beaucoup plus élevés que leur contrat précédent. Cette situation survient même si la banque centrale n’a pas augmenté son taux mercredi, puisqu’elle l’a déjà fait 10 fois depuis mars 2022.
Pour les Canadiens qui ont un prêt hypothécaire à taux variable avec des versements fixes, c’est une histoire similaire, mais avec une mise en garde (probablement alarmante): si les paiements mensuels n’ont pas bougé, la période d’amortissement ou la durée des prêts hypothécaires a augmenté avec les hausses de taux. Au moment du renouvellement, les tarifs seront beaucoup plus élevés qu’ils ne l’étaient lors de la conclusion du contrat en cours.
Les propriétaires qui ont un prêt hypothécaire à taux variable avec des versements variables ont pour leur part déjà ressenti le choc puisque leurs paiements ont augmenté à chaque hausse du taux de référence de la Banque du Canada. Lors du renouvellement, les tarifs plus élevés qui s’offriront à eux ne seront peut-être pas aussi importants puisqu’ils auront déjà payé les augmentations.
La Banque du Canada a-t-elle fini d’augmenter les taux d’intérêt?
La Banque du Canada a gardé la porte ouverte à d’autres hausses. Elle reste concentrée sur les données économiques, et si des indicateurs comme le PIB ou l’inflation recommencent à montrer trop de vigueur, la banque centrale pourrait très bien annoncer de nouvelles hausses.
La période de faible croissance économique dans laquelle la banque centrale affirme que le Canada est entré se poursuivra probablement jusqu’au début de 2024, a estimé James Orlando, économiste principal à la Banque TD, dans une note. Mais cela ne veut pas dire que la banque centrale va annoncer qu’elle a fini de relever ses taux d’intérêt.
« Même si la Banque du Canada est retournée sur les lignes de côté, cela ne signifie pas qu’elle abandonnera son discours belliciste. Elle doit s’assurer que les conditions financières restent serrées pour que l’économie continue de ralentir », a écrit James Orlando.
Mais avec la poursuite du ralentissement, la barre pour une nouvelle hausse a été relevée, a-t-il ajouté.
Si la hausse des taux freine l’inflation, pourquoi l’indice des prix à la consommation est-il toujours élevé?
Les hausses de taux d’intérêt de la Banque du Canada ne fonctionnent pas du jour au lendemain: elles peuvent prendre des mois, voire un an ou deux, avant de faire pleinement connaître leurs effets sur l’économie. Ces effets sont devenus de plus en plus évidents à mesure que l’été avançait, mais les économistes ne pensent pas qu’ils soient encore pleinement réalisés, ce qui signifie que le ralentissement se poursuivra probablement.
Quelques facteurs compliquent en outre la situation. Le premier est le fait que le coût du logement fait partie du calcul de l’inflation, et que des taux plus élevés entraînent des coûts de logement plus élevés. Par ailleurs, l’inflation comprend des éléments tels que les prix de l’essence et des produits alimentaires, qui ne sont pas directement affectés par les taux d’intérêt et qui réagissent aux événements mondiaux tels que la guerre et l’environnement, ce qui génère une certaine volatilité.
L’inflation s’est établie à 2,8 % en juin, mais a légèrement augmenté en juillet, notamment en raison de la hausse régulière des prix de l’essence pendant l’été. Les prix de l’essence ont continué d’augmenter en août, ce qui entraînera probablement une hausse de l’indice des prix à la consommation à court terme, a prévenu la banque centrale.
Quand les taux d’intérêt commenceront-ils à baisser?
C’est la question à laquelle les marchés ont été confrontés toute l’année. Certains pensaient que les banques centrales pourraient commencer à réduire leurs taux d’intérêt d’ici la fin de 2023, mais ces attentes se sont pratiquement dissipées à mesure que l’année progressait.
La Banque du Canada ne veut pas encourager l’espoir d’une baisse des taux. Plus tôt cette année, « une pause de courte durée a fait naître des réflexions sur d’éventuelles réductions des taux, ce qui a stimulé le marché immobilier », a écrit Douglas Porter, économiste en chef de la Banque de Montréal, dans une note.
Les pressions inflationnistes sont toujours présentes, a indiqué jeudi la banque centrale dans son communiqué, indiquant que la lutte n’était pas terminée. Elle n’a même pas utilisé le mot « pause » dans sa déclaration, et encore moins le mot « baisse ».
Avery Shenfeld, économiste en chef de Marchés des capitaux CIBC, a écrit que le taux de 5 % constituerait probablement le sommet de ce cycle de resserrement.
« Cela dit, nous sommes encore loin d’une déclaration claire et complète de la (banque centrale), alors oublions toute mention d’une baisse de taux. »