L’envoyé spécial des Nations unies pour le financement de l’action climatique, Mark Carney, a appelé les institutions financières à aligner leurs investissements sur l’Accord de Paris et créer davantage de produits financiers qui rendent l’économie plus durable, lors de son passage au Sommet de la finance durable à Montréal, mercredi.
Les changements climatiques sont un enjeu de taille pour les grandes institutions financières, mais celles-ci sont en train de s’adapter, selon Mark Carney, et c’est grâce aux mouvements citoyens.
« On doit reconnaître qu’en raison des jeunes, des mouvements citoyens au Québec et partout dans le monde, les gens veulent des changements et cette pression amène le système financier à changer », a indiqué l’ancien directeur de la Banque du Canada, avant d’ajouter qu’ultimement, « il faut que les prêts de tous les jours, les hypothèques de tous les jours, les investissements de tous les jours » respectent les principes de la finance durable.
Le désinvestissement des énergies fossiles
Celui qui est maintenant envoyé spécial des Nations unies pour le financement de l’action climatique a expliqué qu’actuellement, pour chaque dollar investi dans des énergies fossiles, environ 1,70 dollar est consacré aux énergies propres.
Pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius par rapport à l’époque préindustrielle, comme le stipule l’Accord de Paris, il faut « que d’ici la fin de la décennie, ce ratio soit de quatre contre un », a indiqué Mark Carney.
Du pain sur la planche pour les banques
Force est de constater que plusieurs banques canadiennes ne sont pas sur la voie de la carboneutralité.
Pour l’année 2022, cinq banques du pays se retrouvent parmi les 15 plus grands bailleurs de l’industrie fossile dans le monde, selon les données de la plus récente étude de Banking on Climate Chaos.
La Banque Royale du Canada (RBC) a été le plus grand bailleur de fonds pour des projets de combustibles fossiles au niveau mondial en 2022, avec des investissements de 42 milliards de dollars amérciains (G $), selon l’étude.
Ces banques canadiennes font pourtant partie de l’alliance bancaire Net Zéro, une initiative des Nations unies, lancée par l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney.
Les banques qui se joignent à cette alliance doivent s’engager à aligner leurs portefeuilles de prêts et d’investissements en vue d’atteindre l’objectif zéro émission de gaz à effet de serre nette d’ici 2050.
Mark Carney n’était pas disponible pour répondre aux questions des médias mercredi, mais lors de son discours aux centaines d’acteurs du secteur financier présents à Montréal, il a indiqué que « les investissements des banques doivent être cohérents avec l’atteinte de la cible de 1,5 degré » et « que l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2050 est inscrite dans la loi », en faisant référence à la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, devenue une loi le 29 juin 2021.
Mark Carney était accompagné sur la scène par le président et chef de la direction du Mouvement Desjardins, Guy Cormier. Desjardins ne fait pas partie de la liste des 15 plus grands bailleurs de fonds de l’industrie fossile, mais il a encore des investissements dans ce secteur.
« Si l’entreprise du secteur fossile a un plan, si elle a des objectifs et si on sent qu’elle est réellement sérieuse et qu’elle intègre vraiment le risque climatique dans des décisions d’affaires, on va prendre le temps d’être autour de la table. Mais parfois, on quitte la table. Depuis 2017, on a quitté l’industrie du charbon thermique. On n’est plus dans ce financement-là », a expliqué Guy Cormier à La Presse Canadienne.
« Depuis 2016, 2017, on quitte graduellement le secteur des énergies fossiles, et aujourd’hui, ça représente 0,6 % de nos actifs », a ajouté le président du Mouvement Desjardins avant d’ajouter que ces investissements représentent « quelques centaines de millions, mais je n’ai pas les chiffres précis ».
Pendant leur entretien devant les participants au sommet de la finance durable, Mark Carney et Guy Cormier ont souligné l’importance de développer de nouveaux produits financiers qui respecteront les engagements en matière de considérations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG).
Guy Cormier a donné l’exemple d’une « remise verte à sa nouvelle offre de swap ESG ».
L’institution financière a récemment investi 125M$ dans le projet de parc éolien Paintearth, en Alberta.
Le produit financier « swap ESG vise à couvrir le risque de fluctuations du taux d’intérêt de la dette et à récompenser l’atteinte de résultats mesurables en matière de performance ESG ». En d’autres mots, l’entreprise se verra remettre une récompense financière si elle atteint certains objectifs environnementaux et sociaux.
Investir dans l’économie circulaire
Comme plusieurs panélistes présents lors du sommet qui s’est déroulé sur deux jours à Montréal, Guy Cormier et Mark Carney ont encouragé les acteurs du secteur financier à investir dans l’économie circulaire.
« Je vous donne l’exemple du secteur de la construction. C’est un fort producteur de perte. Quand vous détruisez des immeubles, vous faites quoi avec la brique? Au Québec, on enfouit ça. Est-ce qu’on pourrait recirculer ça dans un autre produit? », a demandé le président de Mouvement Desjardins.
Guy Cormier a également souligné que Desjardins a récemment financé un « laboratoire d’accélération sur la construction » mis en place à l’École de technologie supérieure (ÉTS) pour trouver des façons de réutiliser les déchets générés par l’industrie de la construction au Québec.