Il semble y avoir un consensus selon lequel nous serions à la fin du cycle économique. Approche-t-on d’une inévitable récession?
Je ne pense pas que nous soyons si près. C’est vrai que nous sommes en fin de cycle. C’est difficile de dire à quel moment la prochaine récession aura lieu, mais je dirais que ça devrait survenir probablement en fin de 2020 ou en 2021.
Qu’est-ce qui pourrait nous mener à la prochaine récession?
Dans la prochaine année et demie, la Réserve fédérale (Fed) et la Banque du Canada vont probablement resserrer leur politique monétaire. Ça va ressembler à un cycle traditionnel où les taux d’intérêt plus élevés freineront l’économie. Nous sommes encore tôt dans ce processus de resserrement.
La crise de 2008 a fait particulièrement mal. Le mot récession fait plus peur après cette expérience. La prochaine récession sera-t-elle nécessairement aussi douloureuse?
J’en doute. C’est vrai qu’on ne peut jamais le savoir en avance. Chaque cycle est différent. Il y a des récessions qui sont très douloureuses et d’autres qui ne sont pas si terribles. On ne devrait pas croire que chaque récession sera aussi pénible que celle de 2008. L’institut C.D. Howe a développé un indice pour mesurer la force d’une récession, un peu comme on mesure l’ampleur d’un tremblement de terre ou d’une tempête tropicale. Par exemple, la récession de 2002 après la bulle techno était nettement moins prononcée que celle de 2008.
L’endettement des ménages nous rend-il plus vulnérables à la prochaine récession?
Je dirais que oui parce que l’immobilier résidentiel a fait gonfler l’endettement. La bonne nouvelle, c’est que notre gouvernement n’est pas aussi endetté que celui des États-Unis. La prochaine récession, les gouvernements au fédéral et au provincial devront inévitablement prendre le relais. Il faut s’attendre à ce que les déficits augmentent grandement au cours de la prochaine récession. C’est pour ça que je leur conseille de mettre de l’ordre dans leurs finances pendant que l’économie se porte bien. Le Québec a fait un pas dans cette direction, l’Ontario et le gouvernement fédéral auraient intérêt à faire de même.
On pourrait argumenter que l’économie canadienne va bien en raison de la politique fiscale canadienne. N’y a-t-il pas un risque à nuire à l’économie en enlevant ce stimulus?
C’est vrai que la politique fiscale a joué un petit rôle dans la croissance que nous observons en ce moment. Je ne plaide pas en faveur d’un mouvement trop brutal. Par contre, ce serait le moment que les dépenses progressent à un rythme inférieur à l’inflation, par exemple. Je parle plutôt de retenue, pas d’austérité.
Vous devez analyser les politiques monétaires de la Fed et de la Banque du Canada. Bien des experts se posent la question à savoir si le lien entre la progression de l’économie, l’augmentation des salaires et l’inflation tient toujours. Les anciens modèles comme celui de la courbe de Phillips sont-ils devenus désuets?
Nous n’avons pas écarté les anciens modèles, mais c’est vrai qu’il a fallu les ajuster. C’est une bonne question. Le taux de chômage est tombé à 3,9% aux États-Unis, mais les augmentations de salaire demeurent modestes. La relation entre un marché de l’emploi plus serré et des salaires plus élevés reste vraie, mais la corrélation est un peu plus faible, par contre.
Pourquoi ce lien est-il moins prononcé?
La consolidation des entreprises et la robotisation sont deux facteurs. La démographie joue un rôle également. La main-d’œuvre vieillit. Dans la cinquantaine, vous serez probablement moins enclins à chercher un emploi mieux rémunéré que les employés les plus jeunes. Vos préoccupations ont changé. La mondialisation a aussi un impact. Ça devient plus facile de déplacer ses activités un peu partout dans le monde.