De tous les événements spectaculaires que les marchés financiers nous ont offerts au cours des années, le krach boursier du 19 octobre 1987 est certainement celui qui aura le plus frappé l’imagination.
À l’époque, Ron Meisels était l’analyste technique de Nesbitt Thomson, devenu aujourd’hui BMO Nesbitt Burns. À la fin de la journée, il rejoignit dans la grande salle les principaux dirigeants de la firme pour leur donner un compte rendu et une explication des événements de la journée. «J’ai vite senti que pour la plupart d’entre eux, c’était la fin du monde», se souvient-il.
Il tenta de leur expliquer que non, que la terre allait continuer de tourner. Pour lui, malgré la sévérité de la chute des cours, il s’agissait simplement d’une correction à l’intérieur du bull market séculaire qui avait débuté en 1974. Il ne croyait pas que cela puisse mettre fin à ce marché haussier, car les conditions nécessaires à un renversement de tendance n’étaient pas présentes. Bien sûr le marché était gonflé à bloc, et les poussées de volatilité de plus en plus fréquentes, mais les indicateurs techniques ne montraient pas une situation extrême. Ce bull market séculaire n’allait prendre fin en fait qu’en 2000 avec l’éclatement de la bulle techno.
Un nouveau marché durablement haussier a débuté en mars 2009 après l’hécatombe boursière causée par la crise financière, croit Meisels qui depuis 1990 dirige sa propre firme de gestion de portefeuilles, Phases & Cycles. Cette tendance pourrait certainement se maintenir encore quelques années, tout en étant parsemée de corrections. Actuellement, il faudrait que d’indice Dow Jones recule sous la barre de 21000 points pour que la tendance s’inverse, selon lui.
À l’époque, jeune économiste à l’emploi du courtier québécois McNeil Mantha, Ismaël Chiadmi, aujourd’hui directeur de la gestion quantitative chez Montrusco Bolton, se rappelle surtout que la dégringolade boursière ce jour-là avait été précédée durant quelques mois par des reculs importants sur les marchés obligataires. «Les taux d’intérêt ne cessaient de monter, et très rapidement», rappelle-t-il. On était alors dans un contexte très différent de celui d’aujourd’hui.
Le marché boursier semble immunisé actuellement contre une forte baisse, car la politique de la Réserve fédérale américaine (Fed) assure qu’il y ait toujours suffisamment de liquidités pour le soutenir. «Ainsi, à la moindre correction, il y a toujours des acheteurs qui se présentent », dit-il. La Fed va resserrer le système financier en haussant les taux d’intérêt et en contractant son bilan, mais elle le fera très lentement, ce qui devrait permettre d’éviter une baisse dramatique des marchés, selon Chiadmi.
Les marchés financiers avaient été soumis à un stress énorme durant la plus grande partie de l’année 1987, rappelle Michael Santoli, aujourd’hui chroniqueur financier senior chez CNBC, qui avait été embauché par Dow Jones & Co quelques années avant le krach.
L’exubérance à l’époque était certainement différente de celle d’aujourd’hui, rappelle-t-il. Durant les cinq années précédant le krach de 1987, le S&P 500 s’était apprécié en moyenne de 24 % par année. Au cours des cinq dernières années, la hausse moyenne a été de 12 %.
De plus, la hausse du marché boursier est actuellement très régulière, et la volatilité demeure très basse. «Ce serait étonnant que l’on assiste à une chute brutale avant que le marché ne montre des mouvements beaucoup plus irréguliers», dit Santoli.