Dans les sondages mensuels des gestionnaires de Bank of America Merrill Lynch, le risque de repli causé par un retour de l’inflation et une hausse soudaine des taux figuraient en tête des scénarios des pros.
Plusieurs s’y préparaient avec une encaisse plus élevée que d’habitude, d’autres en se protégeant à l’aide de produits dérivés.
Comment expliquer alors la réaction aussi violente du Dow Jones et du S P 500 à des événements que tant attendaient, surtout que les taux américains phares de 10 ans ont fléchi de 2,88 à 2,73%?
Les deux indices ont effacé tous leurs gains de janvier, tandis que le S P 500 a connu sa pire séance (-4,1%) depuis que le gouvernement américain a perdu sa cote de crédit de la plus haute qualité en août 2011.
En moyenne, un tel recul du S P 500 est suivi d’un léger regain de 0,36% le lendemain, précise Bespoke Investment Management.
En points, la dégringolade de 1176 points du Dow Jones est historique, mais en pourcentage, loin de là. Le S P 500 a perdu environ 8% depuis son sommet du 26 janvier.
Une partie de l’explication se retrouve sans doute dans les transactions programmées puisque la chute s’est exacerbée d’elle-même à mesure que les indices tombaient sous des seuils pré-établis.
Ainsi, lorsque l’indice Dow Jones est passé sous 25000, des ventes automatiques ont amplifié le mouvement à la baisse. Le même phénomène a sans doute joué lorsque le S P 500 a glissé sous 2700.
Entre 14h58 et 15h10 par exemple, le Dow Jones a dégringolé de 875 points. En cours de séance, cet indice vedette a perdu 10%, soit la définition officielle d’une correction.
De nouveaux placements mis à l’épreuve
De nombreux produits ont aussi vu le jour ces dernières années pour neutraliser la volatilité (risk-parity strategies ou low volatility ETFs) à l’aide de diverses tactiques.
Il y a fort à parier que certains de ces placements, qui ont peu été mis à l’épreuve dans le calme plat en Bourse, n’ont pas procuré la police d’assurance désirée lorsque l’indice de volatilité VIX a grimpé de 20 jusqu’à 36, en cours de séance, paniquant certains détenteurs qui ont vendu.
D’ailleurs, l’indice ARM qui compare le volume des titres à la hausse à ceux des titres à la baisse a atteint 3,594, lundi, révélant 30 fois plus de volume baissier qu’haussier, a constaté Tomi Kilgore, de Market Watch.
Sur une note positive, cet observateur rappelle que le Dow Jones a regagné 184 points le lendemain du dernier épisode pendant lequel l’indice ARM avait dépassé la marque 2,0 le 13 avril 2017.
Le Dow Jones avait aussi rebondi de 293 points, le lendemain du sursaut de l’indice ARM à 4,95, le 1er septembre 2015.
Les observations du stratège américain de Canaccord Genuity, Tony Dwyer, se veulent aussi rassurantes.
Le plongeon historique de la Bourse américaine a des allures de capitulation à court terme avec l’indice VIX supérieur à 20 et seulement 6% des titres du S P 500 se négociant au-dessus de leur moyenne mobile des 10 derniers jours.
«Il est très rare que le VIX reste supérieur à 20 plus que quelques jours. Il est tout aussi rare qu’une si grande proportion des titres du S P500 restent aussi affaiblis. Avec tant d’anxiété exprimée, l’indice devrait se rétablir bientôt», écrit-il.
M. Dwyer donne en exemple la période de 1986 qui avait vu une série de corrections de 5 à 8%, suivie de nouveaux sommets.
À l’époque, les «ours boursiers» étaient aussi peu nombreux qu’aujourd’hui (12%) parmi les lettres financières et la Bourse venait de s’apprécier de 40%, dans les six mois précédents.
Pour sa part, Keith Parker, stratège d’UBS s’est avancé à dire en cours de séance que le mouvement de recul tirait probablement à sa fin puisque la baisse du S P 500 atteignait déjà la moyenne des replis de 5% lorsque les données économiques s’améliorent.
Espérons que ces spécialistes des entrailles techniques de la Bourse ont raison de rester zen, et que les chasseurs d’aubaines se présenteront au marbre bientôt.