Selon une étude de l’American Psychological Association, citée par Financial Planning, les couples qui mettent en commun tout leur argent éprouvent une plus grande satisfaction relationnelle et sont moins susceptibles de rompre. Mais est-ce toujours la meilleure voie à suivre ?
Aux États-Unis, de nombreux couples décident de concilier leurs finances. D’après un sondage de la société de services financiers Bankrate, 77 % des couples ont au moins un compte conjoint et, d’après un autre sondage de CreditCards.com, 43 % des couples n’ont que des comptes conjoints, ne gardant rien séparément, rapporte Financial Planning.
Comptes bancaires conjoints, production de déclarations de revenu conjointe, plan d’épargne conjoint en vue de la retraite, il existe différentes façons de marier ses finances, mais y a-t-il un avantage réel à cette pratique en dehors des potentiels bienfaits psychologiques ?
Étude de cas
En analysant la situation d’un couple, ensemble depuis 15 ans et marié depuis peu, et qui n’a aucun compte conjoint, les quatre experts consultés par Financial Planning montrent en fait que rien n’y oblige et que les possibilités sont nombreuses.
Les trois premiers experts sont planificateurs financiers agréés et la quatrième est conseillère en gestion de patrimoine.
Travailler sur des objectifs communs
Le premier expert conseille au couple, dont les deux membres disposent chacun d’un revenu annuel d’environ 125 000 $, de ne rien changer puisque tout fonctionne bien.
D’après lui, il serait préférable de travailler à des objectifs communs au lieu de combiner les comptes. Toutefois, maintenant que le couple est marié, il devrait envisager de produire ses impôts conjointement afin de réaliser certaines économies.
Les deux membres du couple, tous deux âgés de 50 ans, gagneraient aussi à planifier leur retraite, en déterminant leurs besoins en matière de revenu ainsi que leurs objectifs d’épargne. Dans ce but, le couple pourrait ouvrir un compte de placements conjoint pour continuer à épargner en prévision de la retraite.
Miser sur la simplicité
Le second expert estime aussi que le couple pourrait planifier ensemble sa retraite, en discutant de ses objectifs et de ses rêves, financiers et autres.
Il pourrait commencer à établir un plan de revenu de retraite, en utilisant les deux comptes existants, et déterminer s’il veut épargner davantage et s’il dispose de tous les types de placements dont il a besoin.
En ce qui concerne les finances familiales à court terme, il suggère au couple de garder les choses simples. Si deux comptes pour payer des factures distinctes facilitent la vie, alors deux comptes suffisent.
Concilier ses plans et non ses comptes
Le troisième expert juge qu’il n’est pas impératif pour le couple de regrouper ses comptes bancaires, mais qu’il faut prévoir ce qu’il adviendra des comptes au décès.
Pour ce qui est des impôts, il croit que tout préparateur d’impôts peut rapidement examiner la situation du couple à l’aide d’un logiciel et déterminer la stratégie de déclaration optimale.
Enfin, il invite le couple, seul ou avec l’aide d’un planificateur financier, à accorder ses plans afin de construire un revenu de retraite.
Trouver l’équilibre
Enfin, la quatrième experte estime pour sa part qu’il n’est pas nécessaire de combiner entièrement les finances, surtout si le couple utilise un système éprouvé depuis 15 ans. Cela dit, il existe de nombreuses façons d’appréhender ses finances entre « tout séparé » et « tout combiné ».
Par exemple, le couple pourrait envisager d’avoir un compte chèque conjoint et un compte d’épargne conjoint pour les factures, les objectifs fixés et les urgences, en conservant les autres comptes séparés, ce qui pourrait simplifier la vie commune et réduire les transferts de fonds.
Qu’il combine ou non ses finances, chaque membre du couple devrait, selon elle, faire part de son budget à l’autre, en planifiant une rencontre mensuelle pour passer en revue son revenu mensuel, ses économies et ses dépenses. S’il n’est pas nécessaire de divulguer chaque achat, comprendre les budgets respectifs aidera à déterminer ce qu’il faut économiser pour atteindre ses objectifs communs.
Une conciliation pas toujours évidente
En matière d’amour et d’argent, rien n’est jamais simple et un sondage CROP sur les habitudes financières des couples québécois, réalisé récemment pour la Chambre de la sécurité financière (CSF), en témoigne.
Si 90 % des personnes interrogées se sentent à l’aise de parler d’investissements ou de dettes avec leur conjoint, la moitié d’entre elles n’ont jamais pensé aux conséquences d’une séparation et 74 % n’ont jamais abordé ce sujet avec un conseiller en services financiers, souligne Me Marie Elaine Farley, présidente et chef de la direction de la CSF.
Ce paradoxe étonnant révèle à quel point de nombreux facteurs peuvent entraver la conciliation amour et argent.
Hélène Belleau, Ph. D., sociologue et professeure titulaire à l’Institut national de recherche scientifique (INRS), a pu participer à l’analyse du sondage.
Hélène Belleau constate entre autres qu’au sein des couples, c’est en général la personne qui gagne le plus qui se préoccupe de la planification à long terme. Parmi les explications fournies à ce sujet par les répondants, elle remarque que le fait de « s’y connaître davantage » n’est pas associé au genre, mais au fait de gagner plus d’argent que son conjoint ou sa conjointe. Elle observe aussi que 21 % des répondants pensent que leur conjoint(e) les décourage de s’impliquer dans la planification financière à plus long terme.
La chercheuse note également que quatre couples sur 10 (42 %) ne mettent pas leurs revenus en commun, choisissant plutôt de partager les dépenses, ce qui peut désavantager la personne qui gagne moins. « Par exemple, comme le choix des dépenses du couple est souvent fait selon le niveau de revenu de la personne qui gagne plus, celle qui gagne moins sera désavantagée, car elle vit nettement au-dessus de ses moyens. »
Enfin, sans détenir de données sur les raisons pour lesquelles plus du quart des Québécois en couple (27 %) mettraient de l’argent de côté délibérément et secrètement, à l’insu de leur conjoint(e), Hélène Belleau estime qu’il est clair « que certaines personnes tentent ainsi d’anticiper les conséquences économiques d’une éventuelle rupture ».