Les taux d’intérêt font un véritable tour de manège depuis quelques années, eux qui ont atteint pendant la pandémie des niveaux extrêmement bas pour ensuite remonter à vive allure jusqu’à leur niveau le plus élevé en une génération. Mais ces montagnes russes sont riches en émotions fortes pour les propriétaires immobiliers détenteurs de prêts hypothécaires, et un nombre croissant d’entre eux peinent à s’ajuster au paysage changeant.
Alors que l’on s’attend de plus en plus à ce que les taux d’intérêt restent élevés plus longtemps, bon nombre des propriétaires qui ont obtenu de faibles taux il y a des années se préparent possiblement à des difficultés financières à l’approche du renouvellement de leur prêt hypothécaire.
« Chaque mois qui passe, environ 2 % des titulaires de prêts hypothécaires sont confrontés à un renouvellement à des taux d’intérêt nettement plus élevés », a écrit Royce Mendes, directeur général et chef de la stratégie macroéconomique chez Desjardins, dans une note adressée à ses clients le 19 septembre.
Les emprunteurs à taux fixe devraient voir leurs paiements augmenter en moyenne de 14 % à 25 % l’année prochaine par rapport aux coûts du début de 2022, selon la Banque du Canada. En 2025 et 2026, les paiements devraient augmenter de 20 % à 25 %.
Ceux qui bénéficient de taux variables complets ont déjà assumé le fardeau de taux plus élevés, voyant l’augmentation moyenne de leurs paiements atteindre 49 % cette année.
Les emprunteurs à taux variable, mais à mensualités fixes, seront confrontés aux augmentations les plus importantes à l’avenir, car certains ont vu leurs paiements progressivement couvrir uniquement les frais d’intérêt _ voire moins. Les personnes bénéficiant de ces produits seront confrontées à une augmentation moyenne attendue de 44 % de leurs paiements d’ici 2026, à mesure que leurs prêts hypothécaires seront renouvelés.
Peter Routledge, responsable de l’organisme de réglementation bancaire du Canada, a averti en septembre que cette catégorie d’emprunteurs, qui totalise environ 369 milliards de dollars sur les 2100 millions de dollars d’encours du marché hypothécaire, « risquait de subir un choc de paiement important », ajoutant qu’il aimerait que cette option soit offerte moins souvent.
Des périodes d’amortissement plus longues
Face à la forte hausse des paiements, les banques et autres prêteurs ont réagi notamment en allongeant les périodes d’amortissement pour réduire les paiements mensuels.
Plus de 46 % des prêts hypothécaires canadiens avaient des échéanciers de paiement de plus de 25 ans au deuxième trimestre, selon la Banque du Canada, une proportion en hausse constante par rapport à environ 32 % à l’été 2020.
De nombreux amortissements hypothécaires dans les plus grandes banques du Canada s’étendent désormais sur plus de 30 ans, de 24 % des prêts hypothécaires à la Banque Royale à 30 % pour ceux à la Banque de Montréal, la grande majorité dépassant 35 ans. Les prêts hypothécaires à la Banque CIBC et à la Banque TD se situaient quelque part entre les deux, tandis que la Banque Scotia se distinguait par le fait que seulement 1 % de ses prêts hypothécaires s’étirent sur plus de 30 ans.
Le régulateur bancaire a également fait part de ses inquiétudes concernant ces conditions hypothécaires prolongées, qui ralentissent la rapidité avec laquelle les gens constituent la valeur nette de leur maison. Les prêteurs, à leur tour, ont également cherché à réduire les prêts hypothécaires à long terme, la plupart ayant déclaré au dernier trimestre qu’ils avaient réduit d’un point de pourcentage ou deux leur total de prêts hypothécaires sur 30 ans et plus.
À mesure que les amortissements prolongés perdent la popularité, les emprunteurs pourraient être amenés à verser une somme forfaitaire ou à augmenter leurs mensualités pour rétablir le niveau de leurs prêts, ce que le régulateur suggère comme étant l’option privilégiée.
Trouver les fonds pourrait toutefois s’avérer difficile pour plusieurs, à mesure que des fissures commencent à apparaître sur les marchés du crédit.
« Vos prêts automobiles, vos cartes de crédit, vos marges de crédit et les impayés sur ces produits augmentent », a indiqué Seamus Benwell, spécialiste de la recherche sur le logement à la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).
Poussés vers les prêts alternatifs
Les emprunteurs qui ne sont pas en mesure de gérer des paiements plus élevés ou qui n’ont pas les liquidités nécessaires pour un montant forfaitaire devront examiner toutes leurs options, a pour sa part estimé Meaghan Hastings, directrice générale de la maison de courtage The Mortgage Coach.
Elle a indiqué avoir entendu des clients étonnés d’apprendre à quel point les taux d’intérêt avaient grimpé, d’autant plus qu’ils doivent réussir le test de résistance hypothécaire s’ils souhaitent changer de prêteur.
Le test pousse davantage d’emprunteurs vers le marché des prêts alternatifs, a-t-elle souligné.
« Ils ont un grand crédit, ils ont de gros revenus. Mais c’est cette qualification qui les pousse vers l’espace alternatif. »
Même si les produits alternatifs coûtent généralement plus cher, il existe un nombre croissant d’options dans ce secteur, a rappelé Meaghan Hastings.
« Parfois, il existe des solutions qui leur permettront simplement de traverser les 18 à 24 prochains mois, vous savez, dans les domaines les plus difficiles ou dans les moments les plus difficiles. »
Meaghan Hastings a ajouté qu’elle s’attendait à ce que certains investisseurs immobiliers se débarrassent de certaines copropriétés en raison des difficultés financières, mais que dans l’ensemble, la plupart des propriétaires feront ce qu’il faut pour conserver leur propriété, qu’il s’agisse de vendre leur automobile, de prendre un emploi ou toute autre situation qu’ils peuvent envisager.
« Les Canadiens en général feront tout ce qui est en leur pouvoir pour conserver leur maison. Nous aimons être propriétaires. »