Intelligence artificielle, voitures autonomes, désinformation sur les réseaux sociaux… L’Autorité des marchés financiers (AMF) réfléchit à l’impact qu’auront les nouvelles technologies sur l’industrie financière et sur sa mission de protection du public.
Même si le jour où les Québécois conduiront une voiture pleinement autonome n’est pas pour demain, le gendarme boursier a créé un groupe de réflexion pour se pencher sur les enjeux qui pourraient survenir dans le secteur de l’assurance automobile, a donné en exemple le président-directeur général de l’AMF, Louis Morisset, lors d’une entrevue, lundi, en marge d’une allocution devant le Cercle canadien de Montréal.
L’idée d’une voiture complètement autonome amène des questions sur la responsabilité des conducteurs en matière d’assurance, explique Louis Morisset. « Éventuellement, lorsqu’on aura une voiture autonome qui devrait assumer la responsabilité en cas d’accident? Quel genre de système devrait être mis en place? »
La question peut sembler hypothétique, mais le dirigeant estime qu’il faut entamer la réflexion dès maintenant pour que l’AMF et l’industrie soient mieux préparées au moment venu avec « des solutions potentielles ». « Si on n’y réfléchit pas dès à présent, si on ne consulte pas notamment l’industrie, on ne pourra pas arriver à une conclusion. »
Le défi Tik Tok
La mission de l’AMF est déjà confrontée à des questions bien concrètes en raison de l’évolution des technologies. La désinformation sur les réseaux sociaux entraîne la diffusion de fausses croyances et la vente de produits frauduleux.
Comme ces méfaits sont souvent perpétrés par des acteurs étrangers, le gendarme boursier se trouve limité par les propres frontières physiques de sa juridiction, concède Louis Morisset. « Il y a une limite très, très, claire à ce qu’on peut faire. Les gens sont libres sur l’internet d’aller où ils veulent et de trouver des acteurs du système financier qui ne sont pas inscrits à l’Autorité, qui respectent peut-être les lois dans d’autres juridictions, mais il s’avère souvent que ces acteurs-là sont des entreprises frauduleuses. »
En réaction, l’AMF redouble d’efforts pour promouvoir la littératie financière. Pour joindre un plus jeune public, elle est d’ailleurs présente sur Tik Tok. « Le mieux qu’on puisse faire, et on y met beaucoup d’énergie, c’est de sensibiliser et marteler constamment qu’on doit faire affaire avec des entreprises inscrites au Québec. Si les gens partent de cette prémisse-là, il y a beaucoup moins de gens qui vont tomber dans les pièges. »
L’AMF mène aussi des efforts avec les régulateurs à l’international pour trouver des solutions contre les mauvais acteurs sur le web. « On essaie de voir si des entreprises comme Facebook, ultimement Tik Tok, pourraient nous aider, pourrait bloquer en quelque sorte ce genre de contenu, sachant que c’est souvent frauduleux. Ça, c’est totalement embryonnaire, ça peut peut-être être fait à l’échelle internationale. »
Des chercheurs s’inquiètent également des risques que pourraient amener les récents débouchés de l’intelligence artificielle avec des technologies d’agent conversationnel comme ChatGTP, qui a été la source de beaucoup de curiosité dans les derniers jours.
Les autorités en valeurs mobilières canadiennes, dont fait partie l’AMF, devront se pencher sur le développement de cette technologie, estime Louis Morisset, qui quittera ses fonctions à la fin du mois de juin. « Je n’ai pas de réponse à vous donner aujourd’hui, à part de dire que c’est le genre de phénomène qui émerge et qui suscite des préoccupations. Notre réflexion démarre à peine. »
L’AMF n’est pas encore à l’étape d’utiliser l’intelligence artificielle dans ses activités, que ce soit pour déceler des comportements frauduleux ou pour réaliser des gains d’efficacité.
L’organisme travaille cependant à la « valorisation » de ses données pour s’assurer qu’elles sont fiables. L’adoption de l’intelligence artificielle dans ses activités pourrait par la suite être envisagée. « Lorsqu’on sera, je dirais, en mesure d’avoir une valorisation optimale de nos données, là, on pourra probablement mieux envisager d’intégrer des composantes de l’intelligence artificielle. J’ai des équipes qui s’y intéressent aujourd’hui, mais est-ce que j’ai des systèmes en place utilisant l’intelligence artificielle? Pas encore. »